Est-ce diffamatoire de mettre en évidence les faiblesses d’une enquête? Le 17e tribunal correctionnel de Paris devait examiner cette question le vendredi 4 octobre, dans un cas impliquant l’Institut français d’opinion publique (IFOP) et le chercheur Alexandre Dézé, suite à des commentaires rapportés dans un article du Monde. Cependant, l’institut de sondage s’est retiré quarante-huit heures avant l’audience, il n’y aura donc pas de verdict.
L’article source de litige, publié le 11 septembre 2020, intitulé « En vue de la concurrence, CNews mise sur une expression débridée », analysait le genre de la chaîne d’information CNews et sa stratégie face à ses concurrents. Il citait en exemple le programme « L’Heure des pros » animé par Pascal Praud, consacré le 2 septembre 2020 aux résultats d’une étude réalisée par l’IFOP pour Charlie Hebdo en relation avec l’ouverture du procès des attaques du 7 janvier 2015.
Dans cette recherche intitulée « Droit au blasphème, caricatures, liberté d’expression… Les Français sont-ils toujours « Charlie »? », il a été révélé qu’un quart des musulmans de moins de 25 ans ne condamnent pas les attaques du 7 janvier 2015. Pour mener cette enquête, deux échantillons ont été utilisés : le premier composé de 1020 personnes représentatives de la totalité de la population résidant en France, et le second d’un échantillon de 515 personnes se déclarant musulmanes.
Dans une interview pour Le Monde, Alexandre Dézé, professeur de sciences politiques à l’université de Montpellier et expert en sondages, a qualifié un sondage de 515 personnes sans valeur due à sa taille d’échantillon et a critiqué ses conclusions. Il a également souligné un manque de fiabilité dans l’échantillon, attribuable à l’absence de données officielles sur la population concernée, décrivant cela comme une faiblesse méthodologique majeure. Parallèlement, il sisait que la confiance inébranlable dans ces sondages était infondée.
Les déclarations de Dézé ont conduit l’IFOP à porter plainte pour diffamation. Cependant, après quatre ans, le dossier n’a pas pu être résolu par le tribunal suite à une erreur de procédure, la personne ayant déposé la plainte, en l’occurrence le président du conseil de surveillance de l’IFOP, n’avait pas l’autorité légale pour le faire.
Lors de l’audience, l’avocat de M. Dézé, Me David Mendel, a rappelé que le discours litigieux provenait d’un expert des sondages qui écrit, participe à des conférences, enseigne et dont les cours comprennent souvent des chercheurs de divers instituts, dont l’IFOP. En 2022, le professeur a également écrit un livre intitulé « Dix leçons sur les sondages politiques » (De Boeck Supérieur).
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