« « L’Humeur révolutionnaire. Paris, 1748-1789 » est l’œuvre de Robert Darnton, traduite en français par Hélène Borraz et publiée par Gallimard sous la collection « NRF essais ». Ce livre de 582 pages coûte 32 euros en format papier et 23 euros en format numérique.
Dans cet ouvrage consacré à la Révolution française, Darnton tente de répondre à une question fondamentale qui a intrigué les historiens pendant des années : comment un ancien ordre qui a duré des siècles a-t-il pu s’écrouler en quelques semaines pendant l’été 1789 ? Cette question présente une énigme puisque, comme le note Darnton, la notion qu’un peuple puisse se soulever et radicalement changer le cours de sa vie quotidienne paraît insensée. Néanmoins, c’est exactement ce qu’ont fait les Français.
Erudit Américain, Darnton explore cette question en utilisant comme fondements les douze livres qu’il a écrits sur la France du XVIIIe siècle, et en se basant sur une variété de témoignages de l’époque, qu’ils soient manuscrits ou imprimés. Selon lui, ces documents sont à la fois des témoignages des faits et de la façon dont les gens les percevaient, car la perception des événements est intrinsèquement liée aux récits de ces mêmes événements. »
Tout comme ceux qui l’ont précédé, il se confronte à une dichotomie profonde, exprimée par les révolutionnaires eux-mêmes. De manière fervente, ils ont vu dans la Révolution l’amorce d’une société distincte, célébrant constamment ceux qui l’avaient présagée. Si elle est perçue comme une rupture complète, l’historien doit endosser la critique dévastatrice du concept d’« origine », condamnée par Michel Foucault car elle engloutit l’apparition de l’événement dans les conditions de son émergence. Cependant, si la Révolution est interprétée comme le fruit de discours et d’actions prémonitoires, s’ouvre alors le domaine conséquent du travail de Robert Darnton.
Cette démarche n’est pas exempte de problèmes. Quels sont les événements que l’historien doit considérer comme pertinents pour comprendre la cassure révolutionnaire ? L’auteur rejette simultanément le déterminisme économique (bien qu’il accorde de l’importance aux crises qui entraînent une hausse du prix du pain) et l’influence immédiate des idées philosophiques (même si toutes les œuvres majeures des Lumières sont contenues dans son livre).
Affiches et images
L’essentiel réside ailleurs : dans l’élaboration et la propagation des événements garanties par le « système multimédia » du Paris de la seconde moitié du XVIIIe siècle, qui privilégie les pamphlets et les libelles, les nouvelles manuscrites et les journaux, les poèmes et les chansons, les affiches et les images qui transportent les intrigues de la cour, les conflits entre institutions ou les affaires jugées par les tribunaux dans la convivialité de la grande ville.
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