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Retrouvailles urbaines et passion citadine

N’étant pas certain de ce qui me comble le plus – explorer des cités inconnues ou naviguer dans les rues familières, je considère les deux comme des joies qui se complètent. Qu’il s’agisse de suivre le fil de la mémoire pour se guider en fermant les yeux ou de s’abandonner totalement à la frénésie urbaine, c’est la merveilleuse ambiguïté de la déambulation citadine : chercher à se reconnaître tout en s’abandonnant à l’inattendu. Cette idée est bien ancrée dans l’esprit des poètes urbains, captifs de l’animation citadine qui ne cesse de nous fasciner, mais dont le pouvoir est si angoissant qu’on cherche parfois à s’échapper. Comment y parvenir si ce n’est en embrassant ce que Jacques Réda, maître de la flânerie urbaine et de l’improvisation jazz, appelait  » la liberté des rues » ? Car, si je n’arrive pas à retrouver mon chemin, ou si le chemin me trouve malgré mes efforts pour le perdre, cela peut être dû à la spontanéité des rues qui semblent constamment nous réserver des surprises.
Jacques Réda n’est plus parmi nous. « J’ai arrêté de penser que je me déplace au rythme de mes envies. Je ne crois pas plus que je suis, en me déplaçant, un plan préconçu pour me guider ou me perdre », écrivait-il dans La Liberté des rues (Gallimard, 1997). Sa citation inspire ceux qui cherchent à décrire l’histoire urbaine d’aujourd’hui. Car souvent, voire même de manière absurde, on est amené à l’écrire par notre passion pour les villes.

Et pourquoi les trouvons-nous si attachantes ? Pour répondre à cela, nous devons d’abord comprendre ce qu’elles sont réellement. Les spécialistes de la géographie urbaine s’accordent à dire qu’une ville n’est pas définie strictement par sa démographie ou la structure de son gouvernement ou de son cadre monumental. Son identité est plutôt marquée par une relation spatiale spécifique entre la densité résidentielle et la diversité des résidents qui la forment et y vivent. Cette définition nous aide en effet à mieux identifier ce que l’on déteste quand on prétend – un geste littéraire très courant depuis au moins Pétrarque – détester la ville.

Un acte civique

Pour dénoncer la foule, on dira souvent : « il y a trop de personnes » – ce qui, à première vue, témoigne d’une aversion pour le concept d’Edward Glissant (1928-2011) pour le « tout-monde' ». Cela révèle un refus du mélange dynamique de singularités dans lesquelles « la totalité tire son existence de ses propres spécificités ». Cette rancœur envers une scène urbaine où les différences se rencontrent est la preuve d’une volonté politique de séparation. Le concept est un aspect classique de la sociologie urbaine depuis un siècle, en particulier pour ce que nous appelons l’école de Chicago. Son but est de comprendre comment l’extension de l’espace urbain, car elle dilue les liens de solidarité et crée des divisions avec la ségrégation, met à mal le concept même d’urbanité.

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