On attendait cette verdict dans un cas qui symbolise la tragédie humaine se produisant chaque jour dans la Manche. Alors que plus de 25 000 individus ont réussi à traverser le détroit de Calais cette année pour atteindre l’Angleterre dans des embarcations de fortune, l’enquête sur le naufrage tragique du 24 novembre 2021 près de Calais, le plus mortel jusqu’à présent, est sans doute proche de son dénouement.
Mercredi 2 octobre, dans un jugement anticipé, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris a refusé les requêtes d’annulation de procédure déposées par plusieurs accusés dans cette affaire. L’investigation cherche à révéler les conditions qui ont conduit à la mort d’au moins vingt-sept individus, principalement originaires du Kurdistan irakien.
La demande a été déposée par des militaires du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Gris-Nez (Pas-de-Calais) et d’un navire de la marine nationale, en mer la nuit du naufrage. Sept d’entre eux ont été inculpés, en mai et juin 2023, pour non-assistance à personne en danger. L’enquête a montré qu’aucun secours français n’a été apporté au bateau en détresse, malgré de nombreux appels à l’aide des migrants cette nuit-là.
D’après les enregistrements d’appels, les migrants indiquent être « dans l’eau », « avoir froid » et « être sur le point de mourir », mais aucune intervention n’est lancée par le Cross. L’enquête a également révélé que le Flamant, une patrouille de la marine nationale, naviguant cette nuit-là, ne contrôlait pas la fréquence internationale de détresse et a négligé les quatre alertes « mayday » émises par les Anglais, demandant à tous les navires à proximité d’apporter leur aide au bateau. On soupçonne que les secouristes français ont attendu que le canot atteigne les eaux anglaises pour se décharger de la responsabilité sur leurs pairs britanniques.
» Allégement et satisfaction »
Les avocats des accusés voulaient annuler une grande partie de l’enquête, notamment les interrogatoires de leurs clients et les écoutes téléphoniques qui ont abouti à leur inculpation. Pour y parvenir, ils ont soutenu que la juridiction nationale de lutte contre le crime organisé de Paris n’aurait pas dû se pencher sur la responsabilité des militaires, car ils estiment que ceux-ci sont gouvernés par une autorité spécialisée grâce à leur statut.
Cette perspective est également soutenue par le ministère de la Défense, qui a transmis une opinion semblable en décembre 2022, suite à une requête du parquet de Paris pour juger l’opportunité de poursuivre les militaires. Le parquet a estimé de son côté que « l’investigation sur le réseau facilitant le passage des victimes vers l’Angleterre ne peut être séparée de celle concernant les circonstances ayant conduit au naufrage et à l’absence de secours porté aux victimes », comme il l’a soutenu en janvier 2023, lors de l’élargissement de l’enquête.
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