Catégories: Actualité
|
3 octobre 2024 15 h 44 min

Dakar : paradis de street food

Partager

C’est un peu après 20h à Dakar, la capitale du Sénégal, le 30 septembre, et Seydou Bouzou est occupé derrière son petit stand vendant du dibi haoussa, des brochettes de viande épicée nigérienne. Il prépare rapidement un sandwich pour un chauffeur de taxi qui le consommera sur le bord de la route, tout en mettant en route une nouvelle commande pour le propriétaire d’une voiture de luxe qui préfère emporter son repas. Dans les bonnes périodes, le jeune Nigérien, qui opère six jours sur sept, peut gagner jusqu’à 10 000 francs CFA (15,40 euros).

La street food, ou « jay taabal » (qui signifie « vente sur table » en wolof), est devenue une partie intégrante du style de vie de Dakar. Des enfants prenant leur goûter aux fêtards nocturnes sortant de boîtes de nuit, les vendeurs de rue assurent une multitude de repas. Cette tendance s’est accélérée au cours de la dernière décennie. « Il y a à peu près vingt ans, manger dans la rue était réservé aux enfants et aux travailleurs », explique Malick Mboup, géographe qui étudie les habitudes alimentaires.

Les travailleurs ont toujours apprécié les « pensions » ou « tangana » (un dérivé du mot « chaud » en wolof), de petits restaurants de rue nichés sur un coin de trottoir, où un thieb (diminutif de thiéboudiène), le plat national, coûte environ 1 000 francs CFA (1,54 euro). Depuis, la clientèle s’est élargie aux employés, aux cadres surbookés, aux touristes et à la petite bourgeoisie. « Au point de remettre en question une vieille règle de bienséance qui considérait qu’il était mal vu de manger dans la rue », note Malick Mboup.

Des recettes cosmopolites…

L’offre de nourriture dans les petites boutiques, ou épiceries, s’est enrichie. Elles proposent différentes variantes de sandwiches, comme le sandwich au thon, à la vache qui rit, à l’omelette ou au ndambé, un ragoût à base de niebé. Cependant, avec l’inflation, le prix d’un sandwich au thon peut atteindre jusqu’à 200 francs CFA, contre 100 l’année précédente.

Le thiakry, un dessert à base de mil et de yogourt, est très apprécié des sportifs pour sa teneur en protéines. Des douceurs aussi sont vendues sur des stands de rue improvisés, comme des beignets ou des glaces artisanales aux saveurs de bouye ou de gingembre. Vous pouvez également trouver le madd, un fruit acidulé de Casamance, vendu près des marchés avec une pincée de piment, de sucre et de sel.

Cet art culinaire de rue reflète le cosmopolitisme de Dakar. Les mets les plus prisés sont souvent des créations hybrides avec des ingrédients importés. Ainsi, les beignets acaras proviennent de l’immigration béninoise et togolaise, les fatayas sont influencés par la présence des Libanais, et les dibi haoussas, servis avec de la moutarde ou des oignons en sauce, sont toujours préparés par de jeunes Nigériens. Cette culture a gagné beaucoup de popularité et s’est modernisée.

La gastronomie de rue à Dakar se développe rapidement, avec une variété de plats allant des nems aux hamburgers réinventés, selon Tamsir Ndir, chef et consultant dans le domaine de la restauration. Il affirme qu’elle reflète une fusion entre les tendances culinaires internationales et le pouvoir d’achat des Sénégalais. Il indique également que, dans de nombreux foyers sénégalais, un seul repas est préparé chaque jour, donc la nourriture de rue bon marché permettrait aux gens de se nourrir plus d’une fois par jour. Ndir organise un festival dédié à la nourriture de rue depuis 2019.

Selon Najma Orango, influenceuse sur les réseaux sociaux, la nourriture de rue est devenue à la mode au Sénégal. Elle note qu’un des premiers food-trucks du pays a été lancé en octobre dernier dans un quartier chic de Dakar, proposant une nouvelle version des « puff puffs », beignets traditionnels originaires du Cameroun et populaires au Sénégal.

La nourriture de rue serait une source d’emploi pour 120 000 à 180 000 personnes au Sénégal, principalement dans le secteur informel et comptant un grand nombre de femmes et d’immigrants venus de pays voisins. Malick Mboup explique qu’il s’agit d’un moyen rapide de démarrer une entreprise avec un petit investissement pour un retour financier quotidien, bien que modeste.