Face à l’urgence écologique, le domaine de la recherche opte pour l’engagement actif plutôt que pour la simple divulgation de ses découvertes dans des magazines spécialisés. L’accent est ici mis sur ces changements, grâce aux éclaircissements de Bernadette Bensaude-Vincent, une philosophe scientifique, professeur émérite à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et membre des comités éthiques du CNRS, de l’Inrae, et de l’Andra.
Pourquoi une telle évolution dans la posture du chercheur scientifique ?
Il y a eu une remise en cause du mode de fonctionnement de la recherche scientifique, suite à son adaptation au modèle néolibéral dès l’année 2000. Cette année-là, l’adoption de l’agenda de Lisbonne, dont l’objectif était de transformer l’Europe en une société basée sur le savoir, a validé l’idée d’une science orientée vers des objectifs de compétitivité économique et de puissance politique. Le changemen,t que nous remarquons est donc particulièrement marqué en Europe, surtout en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, malgré que la réflexion soit universelle, dans un monde où les positions scientifiques se standardisent dans une compétition mondiale.
Le chercheur est-il en voie de devenir un activiste ?
De nombreux chercheurs ressentent le besoin de tout abandonner ou de s’engager dans une action militante. Cependant, à mon avis, le mouvement actuel est moins une question d’activisme que d’action. Au sein des universités, de nombreux individus désirent transformer le système de l’intérieur. A l’Inrae, une pétition a été lancée pour que le leadership ne soit plus donné à un ingénieur X-Bridges, mais à un collectif interne, sur le principe de l’autogestion. Bon nombre de jeunes diplômés refusent que leurs futures contributions à la recherche profitent à une agriculture dictée par les intérêts industriels, plutôt qu’à une agriculture évoluant avec les enjeux écologiques. Nous touchons ici aux valeurs qui soutiennent la recherche scientifique, et il y a un véritable désaccord avec ce qui a été dit et décidé au cours des deux dernières décennies.
La science a-t-elle des valeurs?
La communauté scientifique se rend compte que la science n’est pas neutre, qu’elle est affectée par des systèmes qui dirigent les programmes de recherche. Cela soulève la question de savoir pourquoi, dans les pays riches, tant d’argent est investi dans l’intelligence artificielle – sur la base de l’argument qu’elle pourrait résoudre tous nos problèmes – plutôt que de se concentrer sur la lutte contre la pauvreté ou sur l’élaboration de solutions au changement climatique. L’intelligence artificielle, consommatrice d’énergie, favorise un type de recherche qui ne s’accorde pas du tout avec la réalité. Ce sont là les véritables valeurs en jeu.
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