« Michel Barnier a récemment confirmé que la France réintroduira le contrôle de ses frontières, en conformité avec les réglementations européennes, autant que nécessaire, une décision similaire à celle prise par l’Allemagne. Depuis le 16 septembre, suite à une modification des lois de l’espace Schengen, l’Allemagne a mis en place des contrôles frontaliers individuels, y compris avec la France, pour une période de six mois renouvelable. Cette décision a une signification symbolique forte.
Cette mesure découle d’un événement historique, l’extrême droite allemande ayant remporté des élections régionales le 1er septembre en Thuringe, pour la première fois depuis 1945. Cette victoire met en évidence des tensions en Allemagne concernant la question des réfugiés politiques, en particulier ceux venant de Syrie et d’Afghanistan. Cependant, cette décision de Berlin est également enracinée dans une longue tradition particulière à l’Allemagne, celle d’une immigration controversée mais nécessaire.
Le droit d’asile a été incorporé à la constitution de l’Allemagne de l’Ouest, la Grundgesetz, ou « loi fondamentale », depuis 1949. C’est le seul droit fondamental accordé aux étrangers, un engagement pris suite à la Seconde Guerre Mondiale. Jeanette Süss, une chercheuse à l’Institut français des relations internationales, explique : « L’Allemagne a vécu le traumatisme du national-socialisme et a pris conscience de sa responsabilité, elle souhaite mettre en avant les droits humains ». »
La politique d’accueil en Allemagne de l’ouest, qui a commencé après la guerre économique miraculeuse, s’est vite transformée en une nécessité de main-d’œuvre. Bonn, la capitale de l’Allemagne de l’Ouest, a signé des premiers accords avec de nombreux pays dont l’Italie en 1955, l’Espagne et la Grèce en 1960, la Turquie en 1961, le Maroc en 1963, le Portugal en 1964, la Tunisie en 1965 et la Yougoslavie en 1968 pour recruter des « travailleurs invités ».
D’après les leaders de l’époque, ces travailleurs n’étaient censés rester que deux ans au maximum. Comme le décrit l’historien Wolfgang Benz dans « Migrations, intégrations et identités multiples », les travailleurs immigrés cherchaient plutôt à faire venir leur famille et ne voulaient pas retourner dans leur pays d’origine après un bref séjour en Allemagne.
En conséquence, la première communauté d’origine étrangère du pays s’est développée à partir des 2 500 premiers travailleurs turcs recrutés en 1961, pour atteindre environ 3 millions de personnes au début des années 1990. Malgré le déni des dirigeants et diverses mesures incitatives au retour au pays, l’Allemagne de l’Ouest est devenue, de facto, un pays d’immigration.
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