Le 3 octobre, après plus de cinquante ans de controverse, le Royaume-Uni a conclu un « traité historique » avec l’île Maurice concernant la souveraineté de l’archipel des Chagos dans l’océan Indien, ce qui lui permet de maintenir sa base militaire partagée avec les États-Unis sur l’île principale de Diego Garcia.
Le président américain, Joe Biden, a aussitôt acclamé l’accord, qui a été négocié pendant deux ans suite à une résolution urgente des Nations Unies. Selon lui, cette base – stratégiquement placée entre l’Europe, l’Inde et la Chine – joue un « rôle crucial » dans la sécurité nationale, régionale et mondiale. Il a exprimé son enthousiasme quant au fait que cet accord assure le « bon fonctionnement de la base pour le prochain siècle ».
Dans une déclaration commune des gouvernements britannique et mauricien, Londres a reconnu la souveraineté de Maurice sur les îles Chagos. Toutefois, pendant une « période initiale de 99 ans », le Royaume-Uni sera « habilité à exercer des droits souverains » sur Diego Garcia, afin de garantir « la continuation de l’exploitation de la base ». Le ministre mauricien des affaires étrangères, Maneesh Gobin, a exprimé son plaisir lors du X : « Le 3 octobre 2024. Une journée mémorable. Un jour pour célébrer la souveraineté totale de la République de Maurice sur tout son territoire ».
L’archipel des Chagos, un ensemble d’environ cinquante îles idylliques isolées au cœur de l’océan Indien, est au centre d’une querelle territoriale qui dure depuis près de six décennies. Depuis 1965, cet archipel est administré par Londres, qui a établi une base militaire conjointe avec les États-Unis sur l’île principale, Diego Garcia. Maurice, ayant acquis son indépendance en 1968, réclame la propriété des Chagos et demande l’inclusion de l’archipel dans ses territoires. Les pourparlers sur la souveraineté de l’archipel ont commencé fin 2022 avec le gouvernement conservateur alors en place au Royaume-Uni.
« C’est un point crucial dans nos relations et une démonstration de notre engagement constant en faveur de la résolution pacifique des conflits et de l’État de droit », ont souligné le Royaume-Uni et Maurice dans leur déclaration commune. La réalisation de cet accord est encore subordonnée à la finalisation d’un traité, a spécifié Londres.
« Ce gouvernement a hérité d’une situation où le fonctionnement sûr et durable de la base militaire de Diego Garcia était menacé, avec une souveraineté contestée et des défis juridiques en cours », a souligné le ministre des Affaires étrangères britannique, David Lammy. « L’accord d’aujourd’hui assure l’avenir de cette base militaire vitale », s’est réjoui le responsable travailliste, qui est arrivé au gouvernement en juillet avec l’élection du premier ministre, Keir Starmer.
L’accord récent a été fortement censuré par l’opposition conservatrice, avec James Cleverly, l’ex-chef de la diplomatie britannique et candidat potentiel pour la direction du parti tory, qualifiant l’accord de « faible ». Robert Jenrick, un autre prétendant, a purement et simplement dépeint cet accord comme une « capitulation » de la part de l’Angleterre. Au cours de l’année 2019, l’Assemblée générale des Nations Unies avait prescrit que le Royaume-Uni cède l’archipel des Chagos à l’île Maurice sous six mois.
La résolution stipulait que la Grande-Bretagne devait reconnaître que l’archipel des Chagos est une composante fondamentale du territoire mauricien et qu’elle se devait de soutenir la décolonisation de Maurice le plus tôt possible, tout en prenant soin d’éviter de faire obstacle à cette procédure. Cette décision a été prise suite à un jugement similaire rendu par la Cour internationale de justice plus tôt cette année-là.
Près de deux mille citoyens Chagossiens ont été déportés vers Maurice et les Seychelles pour donner place à la base militaire britannique. Les natifs mauriciens des Chagos dénoncent une « occupation illégale » par le Royaume-Uni. En 2023, l’organisation Human Rights Watch a publié un rapport qui accuse le Royaume-Uni et les États-Unis de crimes contre l’humanité pour avoir déplacé des populations autochtones sur l’archipel disputé. Londres a fermement rejeté ces accusations.
En 2016, le Royaume-Uni avait étendu un contrat existant jusqu’en 2036 pour l’utilisation de cette base militaire en accord avec les États-Unis. Cette base a joué un rôle crucial lors de la guerre froide, puis pendant les conflits en Irak et en Afghanistan au début du 21ème siècle.