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2 octobre 2024 23 h 46 min

Le viol d’opportunité au centre

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Dans une récente contribution, Sylviane Agacinski insiste sur le fait que le procès des agressions sexuelles de Mazan n’a rien à voir avec la mise en accusation des « hommes » en général, en soulignant que tous les hommes ne sont pas des agresseurs potentiels. Oui, si son argumentation ne consistait pas à éclipser #metoo et à essayer de revenir « avant » ce vaste soulèvement populaire. Personnellement, je crois qu’il est impossible de pleinement saisir l’impact social crucial de ce procès, et notamment ce qu’il révèle sur la constance du machisme quotidien, sans le replacer dans le contexte de #metoo, où il représente un progrès significatif.

Une déclaration est au centre de la discussion : « Dans ce contexte, incriminer la “masculinité” revient à diluer la question de la violence sexuelle anonyme dans les eaux troubles du sexe non consenti, parfois difficile à prouver, comme le viol conjugal. » En d’autres termes, il y aurait d’un côté le « vrai » viol, terrifiant, et de l’autre côté un ensemble de situations ambiguës, où le manque de consentement n’est pas suffisant pour qualifier un acte de viol. Essayer de faire un lien entre les deux serait considéré comme une diversion. Néanmoins, c’est justement en s’attaquant à ce problème de « sexe non consenti » et de viols « difficiles à prouver », qui ont été longtemps ignorés par la sphère privée, et en encourageant de nombreuses victimes à surmonter leur honte et à prendre la parole que #Metoo a permis de révéler un véritable fléau des violences sexuelles.

Le clivage devient plus net lorsque l’on réalise que la mise en scène du procès est exclusivement axée sur Dominique Pelicot, « l’accusé principal ». Les 50 autres sont complètement omis dans cette réflexion. Une telle décision est surprenante, sachant que le débat actuel de la société ne porte pas sur le conjoint, dont tout le monde admet sans hésitation qu’il a perpétré des crimes d’une gravité exceptionnelle, mais précisément sur ses 50 co-accusées. C’est à leur égard que s’est déployée une réflexion sur les relations sociales de genre, la masculinité nuisible, les mécanismes et les dénis du viol, depuis un mois.

Continent dissimulé des violences sexuelles

Nous revoyons ici, encore une fois, #metoo. Il y a sept ans, une nouvelle vague féministe a repris le flambeau de la mobilisation contre le viol des années 1980, en lui faisant franchir une étape cruciale. Alors que nous proclamions autrefois « quand une femme dit non, c’est non », #metoo a permis de faire avancer la conscience collective à deux niveaux majeurs. Premièrement en démontrant que le viol le plus courant n’est pas le viol d’un étranger dans un bois (comme lors du célèbre procès d’Aix de 1978), mais ce qui pourrait être appelé le « viol intra-connaissance ». Cela a stimulé une large réflexion sur la conduite masculine en général. Tous les hommes ne sont pas des violeurs, mais les violeurs sont des hommes ordinaires, dans le sens que ce sont vos pères, vos frères, vos époux, vos prêtres, vos chefs, vos collègues, vos entraîneurs sportifs, etc.

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