Il semble que le temps de la vengeance ait commencé entre Ousmane Sonko et Macky Sall. Les deux figures imminentes de la politique sénégalaise, qui se sont déjà affrontées lors de l’élection présidentielle de 2019, gagnée par l’ex-président Sall, vont à nouveau s’opposer, cette fois lors des élections législatives précoces du 17 novembre.
L’ancien leader national, désormais émissaire spécial du Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète (4P), a été nommé premier de la liste nationale pour sa coalition Takku Wallu Sénégal, d’après les déclarations de plusieurs proches le 30 septembre. Cette nouvelle alliance marque la réunion de la famille libérale, incluant le parti de Macky Sall, l’APR (Alliance pour la République), et le mouvement PDS (Parti Démocratique Sénégalais), qu’il avait quitté en 2008. Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, vivant actuellement en exil au Qatar, est le troisième de cette liste nationale.
L’annonce du retour de Macky Sall, qui était absent du Sénégal depuis qu’il avait remis le pouvoir à Bassirou Diomaye Faye en avril, représente un renversement majeur dans la politique sénégalaise. Bien qu’il ait continuellement œuvré en arrière-plan pour rassembler sa famille politique et minimiser l’influence de son ancien premier ministre, Amadou Ba, qu’il a à peine soutenu pendant l’élection présidentielle du 24 mars, cette réapparition valide son engagement croissant dans cette élection.
À la suite de sa défaite, M. Ba a quant à lui formé un nouveau parti, Nouvelle responsabilité, avec des leaders du mouvement de l’ancien président. Il a ainsi pris la direction d’une autre coalition de l’opposition, Jam ak Njariñ (« Paix et prospérité » en wolof).
Pourrait-il s’agir d’une vengeance politique pour Ousmane Sonko? Le chef d’Etat Diomaye Faye et son premier ministre Ousmane Sonko, qui ont tous deux été incarcérés pendant le dernier mandat de Macky Sall, ne se sont pas encore exprimés suite à l’annonce de son retour le mardi 1er octobre. Cette nouvelle risque certainement d’ajouter du piment dans les débats en début de campagne des élections législatives, étant donné que Macky Sall est loin de faire consensus. Le groupe des personnes affectées par son régime le pointe du doigt comme étant l’un des instigateurs de la répression des protestations antigouvernementales qui a entraîné la mort de plus de soixante personnes entre 2021 et 2024, selon Amnesty International.
Son persona agit comme un déclencheur pour le nouveau gouvernement qui, depuis plusieurs semaines, est engagé dans une initiative de » reddition des comptes » ciblant les anciennes autorités. Des enquêtes sont menées contre certaines de ses proches acolytes, des interdictions de quitter le pays sont en place, des audits des finances publiques sont en cours; le gouvernement du premier ministre met une pression considérable sur les anciens dirigeants et les partisans de l’ex-président. Ousmane Sonko a déclaré lors d’une conférence de presse le jeudi 26 septembre: » Le gouvernement du président Macky Sall a trompé le peuple et nos partenaires ».
Avec le retour annoncé de Macky Sall comme chef de liste nationale d’une des coalitions de l’opposition, Takku Wallu Sénégal, Ousmane Sonko pourrait bien savourer une revanche à la fois personnelle et politique. Sonko, qui est le leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), a été désigné par son parti comme chef de liste nationale et a été pendant cinq ans la première cible et la première victime de la répression de l’ancien président. Aujourd’hui, la dynamique a changé.
Ousmane Sonko n’est désormais plus un simple adversaire politique, mais un leader au pouvoir qui a instauré ses fidèles dans les mécanismes de l’Etat. Par procuration, il a obtenu une victoire surprenante et considérable lors des élections présidentielles du 24 mars grâce à l’élection de Bassirou Diomaye Faye, relativement méconnu des habitants du Sénégal jusqu’alors.
Renforcer ses partisans
Suite à cet appui populaire, son mouvement, se considérant de gauche et souverainiste, envisage de transformer les élections législatives du 17 novembre en « un second round de l’élection présidentielle ». Effectivement, l’objectif du Pastef est de continuer sur cette voie triomphante afin d’obtenir, sous sa propre étendard, la majorité à l’Assemblée nationale. Cette dernière fut dissoute le 12 septembre par la décision du Président, son personnel étant devenu minoritaire suite aux élections législatives de 2022.
Pour atteindre cet objectif, Ousmane Sonko semble mener une campagne constante afin de renforcer son soutien auprès du public, principalement composé de jeunes désireux d’un nouveau système politique au Sénégal. Dans sa quête d’une majorité parlementaire, le parti a décidé de prendre un tournant électoral stratégique, optant pour une indépendance au lieu de former des alliances comme auparavant. « Il choisit de recruter des partisans de la coalition présidentielle, Diomaye Président, sous l’étiquette du Pastef, pour rassembler les troupes et prévenir d’éventuelles défections », analyse le politologue Alassane Ndao de l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis.
« Le défi du Pastef est de dominer à l’Assemblée nationale, à l’instar du Parti socialiste et du Parti démocratique sénégalais d’autrefois, » explique Mamadou Lamine Sarr, professeur-chercheur en sciences politiques à l’université numérique Cheikh-Hamidou-Kane. L’opposition sénégalaise récente a moins de cinquante jours pour renverser ce vent.
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