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1 octobre 2024 3 h 49 min

Russie avance : nouvelle localité

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La guerre des drones entre la Russie et l’Ukraine s’est intensifiée ces derniers mois. Selon un rapport d’un groupe de réflexion britannique spécialisé dans la défense, publié en mai 2023, les Ukrainiens perdent environ 10 000 drones par mois sur le champ de bataille, soit plus de 300 par jour. À titre de comparaison, l’armée française a un peu plus de 3 000 drones dans ses stocks.

Les Ukrainiens et les Russes utilisent principalement de petits UAV (véhicule aérien sans pilote, en anglais) civils, qui sont abordables et disponibles en grande quantité. Ils sont utilisés pour observer le champ de bataille et guider les troupes ou les tirs d’artillerie. Certains sont également modifiés pour transporter de petites charges explosives qui sont ensuite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.

Les drones-kamikazes, bien que moins courants, jouent un rôle crucial. Ces UAV sont équipés d’explosifs et sont envoyés au-dessus des lignes de front sans cible prédéterminée. Les drones russes utilisés sont le Lancet-3 et le Shahed-136, fabriqué en Iran. L’Ukraine, manquant d’une flotte de guerre efficace, répond en utilisant des véhicules marins sans pilote, dont de petits kayaks remplis d’explosifs et contrôlés à distance.

Les drones sont si essentiels à leurs opérations que, tant les Ukrainiens que les Russes ont développé des moyens pour fournir à leurs troupes en continu. Ils le font non seulement en achetant massivement des drones civils, mais aussi en créant leurs propres capacités de production. Après un début timide lors du conflit de Donbass il y a dix ans, l’industrie ukrainienne a gagné en force. En août dernier, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé que la première copie du drone russe Lancet avait été finalisée et sera commercialisée sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.

Les sanctions occidentales ont entravé la Russie, réduisant son approvisionnement en composants électroniques, mais elle reste déterminée. D’après les renseignements américains, la Russie aurait commencé la construction d’une usine dans la zone économique spéciale d’Alabuga pour produire ses propres drones-kamikazes, comme le Shahed-136 iranien.

Quant aux stocks de missiles russes, il est extrêmement difficile, voire impossible, de les évaluer. Les renseignements ukrainiens font régulièrement des déclarations, mais leur véracité est discutable.

Selon des propos rapportés par Liga.net et attribués à Andri Ioussov, porte-parole du GUR (direction du renseignement du ministère de la défense), l’armée russe avait approximativement 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant le début du conflit et en détenait plus de 900 au commencement de l’année. En plus de cela, d’après Ioussov, l’armée possède également une dizaine de milliers de missiles antiaériens S-300, dont la portée est d’environ 120 kilomètres, ainsi qu’un large nombre de S-400, une version plus récente avec une portée trois fois plus grande. Vadym Skibitsky, qui occupe la deuxième position au sein du GUR, avait mentionné en août l’existence de 585 missiles ayant une portée de plus de 500 kilomètres.

En ce qui concerne la capacité de production, des experts estiment qu’elle est d’une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois. En octobre, le GUR avait quantifié cette production à 115 unités.

La Russie aurait aussi acheté des missiles à courte portée en Iran et en Corée du Nord, et continuerait de le faire. Selon Reuters, qui cite plusieurs sources iraniennes, 400 missiles iraniens de type Fateh-110 (portée de 300 à 700 kilomètres) auraient été livrés depuis janvier, moment où un accord aurait été passé. Le nombre exact de missiles nord-coréens que la Russie a acquis reste inconnu, mais entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, 24 missiles ont été lancés en Ukraine, selon le procureur général, Andriy Kostin. Des experts qui ont examiné les débris et les trajectoires pensent qu’il s’agit probablement de missiles KN-23 et KN-24, d’une portée d’environ 400 kilomètres.

Reste la question des avions de combat F-16.

Dans les premiers jours d’août, l’Ukraine a accueilli ses premiers F-16, des avions de combat conçus aux États-Unis, que la capitale ukrainienne réclamait depuis le commencement du conflit. Oleksandr Syrsky, le commandant des forces armées, a déclaré que l’emploi stratégique de ces avions modernes aiderait à protéger les soldats ukrainiens. Ruslan Stefanchuk, le président du parlement, a également exprimé sa satisfaction à l’arrivée du puissant avion de guerre anticipé, capable d’amplifier considérablement nos forces.

Cependant, à la fin d’août, les dirigeants militaires ukrainiens ont révélé qu’un des ces avions avait été abattu et son pilote perdu, lors d’une défense contre une offensive massive de missiles russes sur l’ensemble du sol ukrainien quelques jours plus tôt. Depuis le début de l’invasion russe en février 2022, Kiev a fait des efforts constant pour obtenir les F-16 conçus en Amérique. En août 2023, le président américain Joe Biden a autorisé le déploiement de ces appareils sur le sol ukrainien, même si les États-Unis n’ont pas fourni de leurs propres avions.

D’ici à 2028, les alliés de Kiev se sont engagés à fournir 95 avions à l’Ukraine : trente venant de Belgique, vingt-quatre des Pays-Bas, vingt-deux de Norvège et dix-neuf du Danemark. Fin mai, la Suède a également fait le commitment d’envoyer un avion Awacs, vital pour la collecte de renseignements et la coordination de possibles opérations avec des F-16.

Par ailleurs, il est nécessaire de former les pilotes ukrainiens à manipuler ces avions de combat américains. Onze nations qui sont alliées à Kiev se sont engagées à prendre en charge la formation des pilotes.

En conclusion, quelle est l’aide militaire fournie par les alliés de l’Ukraine ?

Deux années après l’escalade du conflit militaire, le soutien occidental envers Kiev semble diminuer. Les aides récentes ont chuté entre août 2023 et janvier 2024 comparées à la période équivalente de l’année antérieure, d’après le dernier rapport de l’Institut de Kiel paru en février 2024. Il est possible que cette baisse se prolonge, le Sénat américain ayant des difficultés à obtenir l’approbation pour plus d’aides, et l’Union européenne (UE) ayant rencontré des problèmes pour faire passer une aide de 50 milliards d’euros le 1er février 2024, en raison de l’opposition de la Hongrie. Il est important de souligner que ces deux aides n’ont pas été incorporées au dernier compte-rendu de l’Institut de Kiel, qui se termine en janvier 2024.

Les chiffres de l’institut allemand indiquent une réduction du nombre de donateurs, qui se regroupe principalement autour d’une poignée de pays : les États-Unis, l’Allemagne, ainsi que les pays d’Europe du Nord et de l’Est, qui offrent à la fois un soutien financier significatif et des armes de pointe. En tout, depuis février 2022, les pays soutenant Kiev se sont engagés pour un minimum de 276 milliards d’euros dans les domaines militaire, financier et humanitaire.

En termes absolus, les pays les plus prospères ont été les plus généreux. Les États-Unis sont les premiers donateurs avec plus de 75 milliards d’euros d’aide, dont 46,3 milliards en aide militaire. Les pays de l’UE ont annoncé simultanément des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides collectives à partir des fonds européens (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.

Quand on examine les contributions par rapport au produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, le classement est modifié. Les États-Unis tombent à la 20e position (0,32% de leur PIB), bien en dessous de pays situés à proximité de l’Ukraine ou d’anciennes républiques soviétiques amies. L’Estonie se hisse en première place avec 3,55% de son PIB dédié à l’aide, suivie par le Danemark (2,41%) et la Norvège (1,72%). La Lituanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%) viennent compléter le top 5. Les trois États baltes, ayant tous des frontières avec la Russie ou son alliée, la Biélorussie, sont parmi les donateurs les plus généreux depuis le commencement du conflit.

Dans le classement du pourcentage de PIB, la France se trouve à la 27e place, ayant contribué seulement 0,07% de son PIB. Elle se situe un poil derrière la Grèce (0,09%). L’aide offerte par la France a constamment diminué depuis le début de l’incursion russe en Ukraine – la France était 24e en avril 2023, et 13e à l’été 2022.

Que savons-nous des tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?

Durant plusieurs mois, l’Ukraine et la Pologne ont connu des tensions dues à l’importation de céréales ukrainiennes. La source du conflit est le passage de ces céréales par la Pologne. Au début de l’année 2022, pour faciliter le déplacement et la vente sans taxes douanières de ces céréales vers l’Afrique et le Moyen-Orient, la Commission européenne avait créé des « voies de solidarité ». Cependant, selon l’organisation de réflexion agricole mondiale, la Fondation Farm, près de la moitié des céréales ukrainiennes sont acheminées ou terminent leur voyage dans l’Union européenne (UE), ce qui pose problème car elles sont moins chères que le blé produit dans l’UE, surtout dans les pays d’Europe centrale.

Soutenant que ce facteur déstabilise leur marché local et affecte les gains de leurs agriculteurs, plusieurs pays, dont la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie, et la Slovaquie, ont décidé de stopper unilatéralement leurs importations en avril 2023. Bruxelles avait avalisé cette décision, à condition qu’elle n’entrave pas le transit vers d’autres nations et qu’elle ne dure que quatre mois. Néanmoins, Varsovie s’est opposée à la réouverture de ses frontières aux céréales ukrainiennes à la fin de l’été, estimant que le problème persiste. Cette décision a été critiquée par Bruxelles, affirmant que l’embargo n’était plus nécessaire, car selon ses analyses, il n’y avait plus d’impact sur les marchés nationaux des céréales.

Les agriculteurs de Pologne ont lancé une barricade à la frontière ukraino-polonaise afin d’empêcher l’accès des camions en provenance d’Ukraine dans leur pays. Ils demandent un « embargo total » sur l’importation de biens agricoles et alimentaires ukrainiens, mettant en lumière l’augmentation de leurs dépenses de production pendant que leurs silos et entrepôts sont surchargés et que les prix demeurent très bas. Le dirigeant ukrainien a interprété ce blocus frontalier débuté en 2024 comme une preuve de « l’affaiblissement de la solidarité » envers son pays et a sollicité des discussions avec la Pologne. Il a également évoqué que « seule Moscou se satisfait » des tensions actuelles, tout en exposant la « montée de slogans favorable à Poutine ».