Un conte fabuleux raconté par une femme au sourire ingénu a miraculeusement poussé l’accusé, Peter Cherif, à rompre son silence. Jusqu’à présent, il avait refusé de répondre aux différents membres de la rédaction de Charlie Hebdo, survivants de l’attaque du 7 janvier 2015, qui témoignaient tour à tour les vendredi 27 et lundi 30 septembre devant la cour d’assises spéciale de Paris.
Face aux autres victimes, aux policiers et aux proches des victimes disparues, il répondait avec grande réserve : « Je ressens votre douleur, toute ma compassion est avec vous ». Cependant, il n’a jamais dit un mot à ceux qui tenaient stylo et crayon, à ceux qui dessinaient.
Cherif a assisté à son procès comme une ombre silencieuse et menaçante. Après neuf jours d’audience, il a fini par nier avoir joué un quelconque « rôle » dans l’attentat, tout en refusant constamment de discuter de ses activités au sein d’Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA) au Yémen, responsable de l’attaque, et de ses liens avec son ami Chérif Kouachi, qui l’a perpétré. Aucun mot sur le contexte de ce massacre, ni sur son importance pour le groupe terroriste qu’il servait. Un vide inquiétant s’est peu à peu installé entre les accusations portées contre lui et l’accusé lui-même.
« C’est “Charlie”, venez vite, ils sont tous morts ! »
Le lundi 30 septembre, Sigolène Vinson, la dernière des survivantes de l’attaque terroriste de Charlie Hebdo à prendre la parole, a témoigné. « Mon récit aujourd’hui ressemble à une histoire fantastique qui dépasse la routine quotidienne. J’ai toujours ressenti une incursion de l’irréel dans la réalité. On dit que la réalité frappe… » a-t-elle entamé, plongeant ses grands yeux doux dans la salle.
Il était une fois une survivante de Charlie Hebdo. Chaque conte comporte son lot de mystères et d’horreurs. Le 7 janvier 2015, comme tous les mercredis, Sigolène Vinson assistait à la réunion éditoriale. « J’étais assise entre Laurent Léger et Wolinski, je tournais le dos à la porte par laquelle Chérif Kouachi est entré… » Les frères Kouachi, Chérif et Saïd, sont entrés au milieu de la bonne humeur, des rires et des dessins griffonnés par Charb sans relâche. Ils ont exécuté, l’un après l’autre, huit membres de l’équipe rédactionnelle.
Sigolène Vinson, chroniqueuse judiciaire, avait réussi à ramper et à se cacher derrière un petit muret pour échapper aux balles. Chérif Kouachi, kalachnikov à la main et le visage caché sous une cagoule, s’est approché d’elle : « Il m’a dit de ne pas avoir peur, qu’il ne me tuerait pas, mais que ce que je faisais était mal… Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire : j’écrivais des romans, j’avais été avocate… Et il m’a dit qu’il fallait que je lise le Coran…»
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