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Procès assistants FN à Paris

La rentrée judiciaire du Rassemblement national (RN) s’annonce chargée, suite à un résultat aux élections législatives de juillet qui n’a pas été à la hauteur des espérances. Depuis le 30 septembre et jusqu’au 27 novembre, 27 membres du parti, y compris la présidente du groupe à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen, sont jugés au tribunal correctionnel de Paris dans le cadre d’un procès lié à de présumés emplois fictifs d’assistants de députés européens.

Les accusés sont suspectés d’avoir créé, entre 2004 et 2016, un système de détournement de fonds destinés à l’embauche d’assistants parlementaires de l’Union européenne (UE), afin de financer les activités politiques du parti, qui portait à l’époque le nom de Front national (FN). L’estimation du préjudice financier s’élève à environ 7 millions d’euros selon le Parlement européen. Malgré le risque d’une peine de prison et d’inéligibilité, Marine Le Pen nie vigoureusement ces allégations.

L’affaire a débuté avec une alerte anonyme reçue le 20 janvier 2014 par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), indiquant une éventuelle fraude. Ce signalement anonyme faisait mention de cas supposés d’emplois fictifs au sein du FN, dont Marine Le Pen – qui fut membre du Parlement européen de 2004 à 2017 – était alors présidente.

L’autorité européenne de lutte contre la fraude a lancé une enquête administrative, examinant minutieusement les actions de Catherine Griset, la directrice de cabinet de Marine Le Pen, et de Thierry Légier, son garde du corps. Ces deux personnes ont également été identifiées comme ses assistants parlementaires. La recherche a révélé que Catherine Griset, actuellement députée européenne, n’aurait consacré qu’environ douze heures (740 minutes exactement) à son travail au Parlement européen, alors qu’elle était censée y travailler comme assistante entre octobre 2014 et août 2015. Le rapport de l’OLAF a également déclaré que l’emploi de Thierry Légier était «inexistant».

En mars 2015, l’affaire devient plus sérieuse. Le président du Parlement, Martin Schulz, a demandé à l’OLAF d’examiner d’éventuelles irrégularités concernant les salaires des autres employés. Il a signalé ces questions au ministère de la justice français après avoir découvert que vingt assistants parlementaires étaient également répertoriés dans la structure du FN, certains occupant des postes clés auprès de Marine Le Pen et de l’ancien président d’honneur du parti, Jean-Marie Le Pen.

Le Parlement européen a estimé que le «système» utilisé entre 2004 et 2016 a causé un préjudice de 6,8 millions d’euros. En 2017, il a demandé à Marine Le Pen de rembourser près de 340 000 euros, ce qui correspondait aux salaires de Catherine Griset et de Thierry Légier. Malgré le refus de Le Pen de payer, le Parlement a prélevé quelques dizaines de milliers d’euros sur son indemnité d’élue avant qu’elle ne quitte Bruxelles en 2017. Menacée par une décision de recouvrement, elle a finalement remboursé 330 000 euros en juillet 2023. Son avocat, Rodolphe Bosselut, a souligné que ce remboursement ne signifie pas qu’elle reconnait les allégations du Parlement européen.

L’enquête française a été déclenchée en mars 2015 après que Martin Schulz a signalé des soupçons d’abus de confiance, faisant croire à un financement illégal de parti. L’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales a mené l’enquête, qui a conduit à une série de perquisitions, notamment au siège du Front National. Les enquêteurs ont recueilli des preuves et des témoignages accablants, comme une lettre de Wallerand de Saint-Just, l’ancien trésorier du parti, à Marine Le Pen datée de juin 2014, dans laquelle il déclare : « Nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen. »

En décembre 2016, une enquête judiciaire est initiée sur des suspicions d’« abus de confiance », « recel d’abus de confiance », « escroquerie organisée », « faux » et « travail non déclaré ». Un compte-rendu révélateur souligne la mise en œuvre d’un système frauduleux, impliquant plusieurs responsables du FN. Plus d’une vingtaine de personnes sont mises en examen, y compris Marine Le Pen en 2017 pour « abus de confiance » et « complicité d’abus de confiance », son accusation s’est aggravée en « détournement de fonds publics » un an plus tard.

Après une investigation de neuf ans, en décembre 2023, les juges demandent que le FN et vingt-sept de ses dirigeants ou employés soient traduits en justice. Selon la défense du RN, les assistants parlementaires « ne sont pas uniquement des fonctionnaires du Parlement européen, ils ont également un rôle technique et politique », ajoutant qu’ils ont « le droit de participer à des activités militantes ».

Qui se retrouve sur le banc des accusés?

Plusieurs individus actuels ou anciens du RN sont classés parmi les vingt-sept accusés, en plus du Rassemblement national qui est jugé comme une entité morale :

– Onze eurodéputés élus sous l’étiquette Front national, y compris Marine Le Pen, le maire de Perpignan, Louis Aliot, l’ancien président par intérim du RN, Jean-François Jalkh, l’eurodéputé Nicolas Bay, et l’ex-numéro deux du parti, Bruno Gollnisch.
– Douze personnes identifiées comme assistants parlementaires, comme Thierry Légier, Catherine Griset, ainsi que les actuels députés RN Timothée Houssin et Julien Odoul.
– Quatre collaborateurs du parti, dont Wallerand de Saint-Just.

Dans ce dossier, l’ancien député européen et leader du FN, Jean-Marie Le Pen, âgé de 96 ans, est également impliqué. Cependant, en raison de son état de santé, il ne sera pas présent au tribunal.

Qu’est ce qui attend Marine Le Pen ?

La leader des députés du RN est actuellement jugée pour détournement de fonds publics et complicité. Ces actions sont passibles de peines allant jusqu’à dix ans d’emprisonnement et une amende d’un million d’euros. En outre, elle risque également une peine d’inéligibilité de cinq ans, ce qui pourrait entraver son élection présidentielle en 2027.

Concernant le résultat du procès, l’entourage de Marine Le Pen évoque une « jurisprudence Bayrou », faisant référence à l’acquittement en février 2024 du dirigeant du MoDem dans une affaire similaire. François Bayrou était soupçonné d’avoir été le « principal décideur » d’un « système frauduleux » de détournement de fonds européens, de 2005 à 2017, en utilisant les rémunérations du Parlement pour des assistants qui travaillaient en fait pour le MoDem. Il a été acquitté « au bénéfice du doute » par le tribunal correctionnel de Paris. Le Parquet a interjeté appel de cette décision. Cependant, huit individus, dont cinq ex-députés européens, ainsi que le MoDem, ont été condamnés à des peines de prison et d’inéligibilité avec sursis.

Pourquoi Jordan Bardella est rattrapé par ces événements ?

Dans son livre d’enquête intitulé « La Machine à gagner » (éditions du Seuil, 240 pages, 19,50 euros), publié le 13 septembre, Tristan Berteloot, journaliste à Libération, a exposé que Jordan Bardella pourrait avoir été impliqué dans la production de faux documents pour imputer son rôle d’assistant auprès de Jean-François Jalkh de février à juin 2015. Il est avancé que le parti, avec l’appui de l’actuel président du RN, aurait fabriqué des documents de manière rétrospective pour étayer les services rendus par Jordan Bardella au Parlement européen.

Bardella n’a jamais été interrogé au cours de l’enquête bien qu’il ait bénéficié d’un contrat d’assistant durant la période examinée lors des procédures judiciaires. Pourquoi ? D’après Libération, les enquêteurs ont principalement porté leur attention sur des suspicions de détournement de fonds d’une plus grande envergure, tandis que la somme versée à Jordan Bardella n’était « que » de 10 444 euros pour une période de quatre mois.

Le RN, dans un communiqué, nie « catégoriquement les allégations fallacieuses contenues dans un article de Libération », et assure que Bardella a travaillé « sans aucune infraction ni irrégularité, selon le règlement du Parlement européen et la loi française ». Bardella a déclaré son intention de porter plainte.

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