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1 octobre 2024 9 h 49 min

Augmenter ou réduire droits succession?

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Des accusations d’une « taxe sur la vertu » pour les parents qui ont économisé toute leur vie, ou encore d’un « impôt sur la mort », confèrent aux droits de succession une faible popularité parmi le public. Un sondage du 25 avril réalisé par Odoxa pour Challenges montre que 84% des Français veulent que leurs parents laissent « autant de patrimoine que possible à leurs enfants », et 77% pensent que cet impôt est injuste.
Ce sentiment s’accorde avec une étude d’OpinionWay pour Les Echos en 2022, indiquant que 81% des Français sont contre une hausse des droits de succession. Certains pensent même qu’ils devraient simplement être abolis, comme la Suède l’a fait il y a deux décennies, ou du moins réduits.
Cependant, malgré cette opposition, les droits de succession ne concernent qu’une minorité de contribuables. En 2018, seulement 14,6% des parents ont laissé des héritages de plus de 100 000 euros et étaient donc soumis à l’impôt sur les successions, selon l’Insee. Cette baisse importante conduit certains à penser que l’héritage contribue à l’inégalité. En effet, 60% du patrimoine en France provient des héritages. Ce patrimoine est distribué de façon très inégale : 50% des Français hériteront de moins de 70 000 euros, tandis que le 1% le mieux doté reçoit en moyenne 4,2 millions d’euros, nets de droits.
Cette situation est une tendance commune à tous les pays développés.

Dans un document intitulé « Repenser l’héritage », publié par le Conseil d’analyse économique à la fin de 2021, Clément Dherbécourt, Gabrielle Fack, Camille Landais et Stefanie Stantcheva ont mis en lumière l’augmentation rapide du patrimoine accumulé qui n’est pas entièrement consommé au cours de la vie. Ils ont noté qu’une part significative est transmise aux générations à venir, faisant de l’héritage un élément crucial dans la constitution du patrimoine. Aujourd’hui, la fortune héritée représente 60% du patrimoine total, en hausse par rapport à la moyenne de 35% du début des années 1970. Cette tendance est observée dans tous les pays développés, mais semble particulièrement prononcée en France.

Ils ont également souligné que l’héritage risque de perturber profondément l’égalité des chances, un principe fondamental des sociétés démocratiques et une condition préalable à leur survie à long terme. Le gouvernement précédent envisageait de limiter la mesure fiscale Dutreil, bénéfique pour les transmissions familiales d’entreprises. Par ailleurs, Oxfam a noté que 80% des Français ne reçoivent pas de dons durant leur vie et que parmi ceux qui héritent, neuf sur dix reçoivent moins de 100 000 euros. Ils ont souligné que « le top 0,1% » des héritiers reçoivent en moyenne 13 millions d’euros et ne paient que 10% de l’impôt sur les successions environ. L’association a également avertit sur l’apparition d’une minorité de super-héritiers et estime que pour les cinquante milliardaires actuels seuls, les pertes dues aux exemptions fiscales et exonérations existantes dépasseront 160 milliards d’euros au cours des trois prochaines décennies.

Lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2022, Emmanuel Macron, alors candidat, avait exprimé son désaccord avec ceux favorisant l’augmentation des droits de succession sans restriction, promettant au contraire une baisse de la fiscalité sur les héritages en augmentant l’abattement pour les successions en ligne directe (parents-enfants) de 50 000 euros et en instaurant un abattement de 100 000 euros pour les successions en ligne indirecte (frères-soeurs, neveux-nièces, beaux-enfants).

Selon un rapport récent de la Cour des comptes, commandé par le député de La France insoumise (LFI), Eric Coquerel, il serait envisageable de financer une réduction des coûts de succession dans les familles recomposées. Cependant, certains estiment qu’une taxation plus lourde des grands héritages est nécessaire. Il reste cependant incertain que le gouvernement Barnier choisisse de rouvrir ce dossier controversé concernant les droits de succession.

Les taxes sur les successions sont-elles plus importantes en France que chez nos voisins ? Le dispositif Dutreil doit-il être sauvé ? Doit-on réformer les droits de succession ? Ces questions seront abordées lors de trois tables rondes réunissant entre autres Jean-Paul Mattei (notaire, député et président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale), Gilles Bonnet (notaire associé à KL Conseil), Jean-François Desbuquois (avocat associé à Fidal), Layla Abdelké Yakoub (chargée de plaidoyer Justice fiscale et inégalités à Oxfam France) et Jean-Marc Daniel (économiste, professeur à l’ESCP Business School), lors de la troisième édition des Rencontres de la fiscalité.

Les Rencontres de la fiscalité auront lieu le 5 novembre 2024 à l’auditorium du Monde. L’accès est gratuit sur inscription.

Pour plus d’informations sur le programme, consultez le site web.

Cet écrit a été produit lors de l’événement Rencontres de la fiscalité, en collaboration avec Le Cercle des fiscalistes et accompagné par KL Conseil. Vous êtes invité à participer et à reprendre ce contenu.