Un éclair de génie ne se produit pas tous les jours. Le matin du 11 mars 2010, Jay Byrne, ancien responsable de la communication de Monsanto et actuel dirigeant d’une petite entreprise de relations publiques appelée « v-Fluence », envoie un courrier électronique à Bruce Chassy, un professeur de nutrition à l’Université de l’Illinois et fervent partisan des biotechonologies. Dans son email, M. Byrne présente un « concept bien plus innovant » afin de plaider, sur la place publique, en faveur des sociétés agro-industrielles.
M. Byrne révèle qu’il est en train de travailler sur une liste d' »opportunités », ciblant des personnalités telles que Vandava Shiva, une militante écologiste indienne, Andrew Kimbrell, un militant pour une alimentation saine et Ronnie Cummins, un partisan de l’agriculture biologique. Il s’attaque aussi à des organisations comme Greenpeace, le Sierra Club, et s’oppose à des contenus tels que « Food, Inc. », « Le Monde selon Monsanto » et « In Defense of Food ».
L’ambition principale de M. Byrne est de réhabiliter un ancien projet qu’il avait conçu pour Monsanto. Il s’agit d’un système « qui recense toutes les critiques contre les biotechnologies agricoles, identifie leurs auteurs, et répertorie les contre-arguments disponibles. » M. Byrne se félicite à l’avance de l’utilité lucrative de cette initiative pour plusieurs entreprises prospères.
Agrémentée par l’acte américain sur la liberté d’information, ces correspondances électroniques de 2010 constituent la première preuve d’un projet de mise en place d’une plateforme digitale visant à orienter les discussions publiques concernant les pesticides et les organismes génétiquement modifiés (OGM). Le projet a reçu le nom de « Bonus Eventus », une déité romaine censée symboliser l’agriculture. La traduction littérale de ce nom est « résultat positif ». Dans ses interactions avec ses clients, v-Fluence propose une opportunité d’accéder à cette « base de données unique », soutenue par un « réseau social privé » qui regroupe des centaines de spécialistes, de conseillers et de responsables de l’industrie chimique, tous promoteurs des pesticides et des biotechnologies. Ils bénéficient ainsi d’un accès à un large corpus de documents contenant des fiches informatives sur les personnalités « opposées » à ces technologies, et des fiches thématiques pourvue de termes et de jugements préétablis.
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