De manière instinctive, des résidents ont suggéré de donner à leurs rues le nom de leurs mères, raconte Sonia Laroum, la directrice adjointe de la ville de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne) avec un sourire. C’est en 2022 que le processus de nomination des rues, qui visait à « féminiser l’espace public », a été initié, une démarche qui a nécessité une certaine période de temps ainsi que de l’éducation. « Il est vrai que les mères sont des héroïnes quotidiennes, mais ces femmes auraient dû accomplir quelque chose de notable pour la société », précise cette dernière.
Sur une durée d’un an, les résidents de Bonneuil ont été sollicités lors d’événements divers, comme la fête de la ville, à la fin des représentations culturelles, au marché. Parmi 80 femmes – militantes, artistes, femmes de science, sportives ou simples citoyennes de Bonneuil – qui ont été choisies pour refléter la « diversité culturelle » de la ville, toutes devaient respecter le principe de laïcité et être décédées.
Bonneuil-sur-Marne est une « université populaire à ciel ouvert où l’apprentissage est quotidien », souligne Denis Oztorun, le maire communiste qui est né en Turquie il y a 44 ans et qui est en poste depuis janvier 2021. La ville, qui compte 18 000 résidents, est principalement identifiée par les grues et les bassins qui sont liés à un des terminaux portuaires de Paris. Malgré le contraste avec les quartiers aisés de Saint-Maur-des-Fossés, de l’autre coté de la Marne, Bonneuil-sur-Marne a un revenu inférieur à celui du département, un taux de pauvreté de 24 % et une importante population immigrée. « La lutte pour la place des femmes dans la société est quotidienne. En effet, dans une ville populaire, dès 13-14 ans, les filles ont tendance à se montrer moins ou n’osent pas pratiquer de sport », admet le maire qui se décrit comme « un homme qui apprend encore le féminisme ».
Denis Oztorun a été critiqué par certains de ses pairs politiques de gauche pour avoir été « insensé » en proposant de féminiser les noms de rue, arguant que cela pourrait déclencher d’intenses débats. Cependant, Oztorun insiste sur le fait que le système patriarcal doit être démantelé dès le plus jeune âge et que la société est capable de transformer les coutumes profondément enracinées. Il fait écho aux pressions exercées sur les femmes au sein des familles musulmanes.
Une rue nommée Mahsa-Amini en est une parmi plusieurs qui ont été renommées. Le défi réside maintenant dans le changement des plaques signalétiques, ce qui signifie également une modification des adresses. Plusieurs voies sont concernées, y compris les avenues Marie-Claude-Vaillant-Couturier, Lucie-Aubrac et Simone-Veil, qui sont trois principales artères convergeant vers le centre-ville.
Bien que la municipalité se soit engagée à ne pas renommer les rues honorant des hommes, l’héritage viticole de la communauté subira un bouleversement. Des lieux comme les sentiers du pressoir, des sarments ou le square des Gardes-Vignes qui renvoyant aux anciennes récoltes de raisin des coteaux de la Marne, seront renommés. « J’assume. Je fais de la politique », affirme le maire, justifiant sa décision par un geste de la main.
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