En septembre dernier, Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), lançait un appel à toutes les institutions pour dénoncer et faire la lumière sur les agressions et violences sexuelles, dans une tribune publiée dans Le Monde, en s’appuyant sur le travail de l’Église en France pour révéler la vérité. En particulier, il parlait de l’abbé Pierre, fondateur d’Emmaüs, et assurait que les archives ecclésiastiques concernant ce dernier, aujourd’hui accusé de tels actes, seront désormais accessibles aux journalistes et chercheurs. Les documents examinés par Le Monde révèlent une prise de conscience graduelle des comportements inappropriés de l’abbé Pierre dès les années 1950. Bien que ces comportements n’aient jamais été explicitement désignés, il semble clair que l’épiscopat français tentait de les garder sous couvert. De plus, les archives suggèrent que cette confidentialité s’étendait au-delà de l’Église. Jean-Marie Villot, alors secrétaire général de l’Assemblée des cardinaux et archevêques de France, en faisant référence à ses problèmes de santé et ses « nombreux accidents moraux », indiquait en 1958 que les responsables d’Emmaüs ne souhaitaient pas le retour de leur fondateur, peu de temps après son admission dans une clinique psychiatrique en Suisse, décidée en conjonction avec Emmaüs.
Les dirigeants d’Emmaüs ont vraiment su quoi et quand ? Les archives de l’Eglise ne donnent pas de réponses à ces questions. Les archives d’Emmaüs, qui sont conservées aux Archives nationales du monde du travail à Roubaix, dans le Nord de la France, couvrent quelque 330 mètres linéaires. D’un côté, elles contiennent les archives personnelles de l’abbé Pierre et, de l’autre, celles de l’organisation. Cependant, Adrien Chaboche, délégué général d’Emmaüs International, héritier des deux fonds, mentionne que la partie de l’organisation est moins examinée.
Axelle Brodiez-Dolino, historienne, qui a consulté ces archives pour son livre Emmaüs et l’abbé Pierre (Presses de Sciences Po, 2009), affirme que les informations sont énormément importantes, ressemblant à la recherche d’une aiguille dans une botte de foin. Elle ajoute que les informations ne sont pas complètes, et qu’il manque des données d’entiers mois. Elle soupçonne qu’une « grande purge » ait été effectuée par les équipes du mouvement dans les années 1950, qui auraient systématiquement nettoyé les informations. Adrien Chaboche déclare qu’il n’est pas en mesure de confirmer ou de nier ces soupçons.
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