Le château de Montfrin, situé à égale distance entre Nîmes et Avignon, surplombe le village qui porte son nom, au sommet d’une élévation garnie d’acanthes et d’amandiers. Jean-René de Fleurieu, 73 ans, passe chaque hiver confiné avec ses chats et une sélection de livres dans une pièce confortablement chauffée de l’ancienne bâtisse classifiée monument historique. Atteint par la vieillesse, l’inactivité s’installe.
Au printemps, cependant, le propriétaire – que lui-même se désigne comme le « gardien » – se libère de son hibernation pour tailler les oliviers et préparer la maison pour la venue estivale des visiteurs. « Après l’isolement, vient l’effervescence, le retour aux interactions sociales », résume celui qui a accueilli il y a deux décennies les trente acteurs de la compagnie de théâtre d’Ariane Mnouchkine lors du Festival d’Avignon. Dans la vieille chapelle, avec son plafond pointu, la cuisine estivale est équipée pour recevoir dix invités, sans parler des deux ânes qui y viennent pour grignoter quelques peaux de melon.
Lors de notre visite en juin, en pleine saison des cerises, nous avons partagé le déjeuner du châtelain dans la modeste cuisine d’hiver : de généreuses asperges blanches arrosées de l’huile d’olive maison, des pâtés en croûte du marché local de Nîmes, et le premier melon de la saison.
Avec une voix douce, une barbe de patriarche, Jean-René de Fleurieu ouvre une bouteille de son propre vin qu’il a nommé en hommage au film de Maurice Pialat, « A nos amours ». Cela fait trois décennies que cet héritier de la famille Servan-Schreiber, ancien collaborateur de la créatrice de mode Agnès b., avec qui il a deux filles, et producteur de films underground, s’est transformé en agriculteur sur la propriété familiale. Il exploite à présent 180 hectares de vignes et 120 hectares d’oliviers sur les terres fertiles du Rhône, entre Provence et Languedoc, en utilisant des méthodes biologiques. Son moulin à huile produit environ 2 000 tonnes d’huile d’olive chaque année, ce qui en fait le plus important de France.
L’ancêtre a réussi à garder le confort moderne. Une porte massive s’ouvre avec une clé imposante. Une fois à l’intérieur, on découvre des trompe-l’œil datant du 19ème siècle, réalisés par des maçons toscans et une suite de chambres à coucher, de boudoirs, de salles de bains avec des baignoires en fonte émaillée… Presque rien n’a été modifié depuis l’entre-deux-guerres quand son grand-père Robert Servan-Schreiber, co-fondateur du journal économique Les Echos, a acquis le domaine pour séduire Suzanne Crémieux, une jeune femme de la haute société juive locale, qui est devenue par la suite sénatrice du Gard grâce aux votes des protestants cévenols.
La maison ancestrale est un exemple de confort contemporain, étant l’un des rares châteaux équipés de l’électricité, du téléphone et d’un interphone. De nos jours, la demeure vieillit, selon son propriétaire, « en synchronisation » avec celui-ci. « Tout est affaibli. Des problèmes d’eau et de chauffage sont omniprésents, mais je m’efforce de maintenir chaque pièce vivable. » Pour ce faire, il varie ses zones de séjour. « Il m’arrive de dormir ici », déclare-t-il en ouvrant la porte d’une chambre solennelle. Il soutient que lorsque les pièces sont occupées, cela se ressent.
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