Gaël Faye, l’auteur de « Jacaranda », publié par Grasset pour 20,50 € et également disponible en format numérique, avait suscité de grandes attentes pour son deuxième roman. Elles étaient alimentées non seulement par le succès monumental de « Petit pays » (Grasset, 2016), mais aussi par l’anticipation personnelle de l’auteur à la sortie de son nouvel ouvrage. Huit ans de différence entre « Jacaranda » et son premier roman, une période assez importante dans le monde de la littérature de nos jours.
Cet intervalle de temps présente un rôle bifrontal dans la narration des deux livres, où on retrouve certains personnages de « Petit pays » dans « Jacaranda ». Toutefois, le passé, séparé par le temps, reste mal ajusté avec des silences et des oublis qui continuent leur travail incessant. Il pose donc une question cruciale : Comment le présent dialogue-t-il avec un passé qui continue de le hanter, surtout à mesure que le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 s’éloigne dans le temps ?
Le récit de « Petit pays » est ancré au Burundi et aborde un enfance semblable à celle que l’auteur a vécu dans ce pays. Il livre des réflexions sur le génocide à travers l’optique de la guerre civile burundaise de 1993. « Jacaranda » débute, quant à lui, en France et parle d’une enfance moins en lien avec celle de l’auteur. Cependant, le roman se déroule par la suite au Rwanda où Gaël Faye réside actuellement. Le Rwanda, tout comme le Burundi, est un « petit pays », un petit peu plus minuscule encore, avec une superficie de 26 338 kilomètres carrés comparativement à celle du Burundi qui s’étend sur 27 834 kilomètres carrés. Afin de donner une idée de leur petite taille en France, on dit souvent que ces pays sont « aussi grands que la Bretagne », ce qui est techniquement exact pour la Bretagne qui s’étend sur 27 208 kilomètres carrés. Malgré cela, ces trois territoires ne se ressemblent ni par leur histoire ni par leur géographie. Le Burundi et le Rwanda sont des pays sans littoral, mais ils sont parsemés de grands lacs. De plus, leur histoire récente est teintée par les atrocités du dernier génocide du XXe siècle, perpétré par des voisins contre leurs propres voisins, ce qui rend invivable la coexistence dans un « petit pays ».
Dans l’histoire, le silence et l’oubli sont souvent les réponses à l’inacceptable. En dépit des tentatives de révéler la vérité dans des tribunaux publics, de larges fragments de vérité restent obscurcis, laissant la communauté brisée et silencieuse. Gaël Faye décrit ce silence dans le cadre de la culture rwandaise où la mère conseille prudemment à son fils de ne pas évocer le passé. Pourtant, ce silence traverse toutes les cultures. Les traumatismes élargissent les brèches de la mémoire. Jacaranda explore les causes et les conséquences de ce silence à travers quatre générations. Les enfants de 1994, ne comprenant pas ce qui arrivait, se retrouvent pour la plupart en exil en tant que survivants. Leurs parents et grands-parents qui ont perdu de nombreux membres de leur famille et la nouvelle génération née après 1994, qui porte inconsciemment la mémoire d’un traumatisme, sont aussi affectés. Stella, qui appartient à cette dernière génération, passe une enfance isolée dans son jacaranda. Quand son arbre est abattu, elle se retrouve isolée, incapable de vivre. Pour qu’elle puisse à nouveau parler, il est nécessaire que les autres lui parlent du passé et qu’ils lui révèlent l’histoire des trois sœurs et du frère qui ont joué dans le même arbre avant sa naissance. Cette révélation est particulièrement douloureuse en raison du génocide brutal caractérisé par la participation d’un cinquième de la population du pays. Seuls 38% de cet article sont encore à lire, réservés aux abonnés.
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