Yanick Lahens, l’écrivaine, s’est rendue au Centre Culturel Brésil-Haïti, situé à Pétion-Ville, une commune de banlieue de Port-au-Prince, pour une rencontre avec les dirigeants d’Araka, l’une des principales associations culturelles de l’île. L’auteure, marraine depuis dix ans du club de lecture Signet, coordonne une réunion à l’ombre d’un manguier dans le jardin luxuriant du centre, orné de statues d’oiseaux mythiques.
Lahens a remporté le prix Femina en 2014 pour son livre ‘Bain de lune’. Mais c’est la question omniprésente de la violence urbaine qui domine la conversation, alors que les gangs contrôlent désormais une grande partie de la capitale, à hauteur de 80%.
La situation est telle que Lahens décrit Port-au-Prince comme étant invivable. La sécurité s’est amplifiée au début de l’année, lorsque différentes bandes ont joint leurs forces pour renverser le gouvernement. Bien que Pétion-Ville soit restée épargnée, Lahens évoque des moments de panique où les tirs se faisaient entendre. Néanmoins, la violence semble avoir décliné depuis mai, au point que l’écrivaine se félicite d’avoir pu se rendre à pied à la réunion.
Il faut noter que le Centre culturel Araka à Port-au-Prince, proche des quartiers difficiles de Grand Ravine et Village de Dieu, a été saccagé en mars et est resté fermé depuis. Le fait de voir disparaître un lieu de culture comme celui-ci est un événement tragique pour Lahens.
L’association offrait une variété d’ateliers pour bénéficier principalement aux résidents défavorisés des quartiers inférieurs de la ville. Comme le décrit Roberto Déjean, vice-coordonnateur du centre culturel, « Araka est une oasis au milieu du désert. Nous avons aidé des jeunes à se développer, comme Jean D’Amérique : c’est dans nos ateliers qu’ils ont découvert leur passion pour la lecture et l’écriture ». Cette équipe a joué un rôle dans le parcours de ce poète et dramaturge de 29 ans, qui a remporté le prix Heredia de l’Académie française en 2022 pour son livre Rhapsodie rouge (Cheyne), et qui réside maintenant en France. Yanick Lahens est d’accord avec cela: «Ces activités offrent une alternative à la violence pour les gens ».
Beaucoup d’autres lieux associatifs dans les environs de Port-au-Prince, similaires à Araka, qui sont dédiés à la culture, ont été obligés de fermer leurs portes ou de minimiser leurs activités à cause de la violence croissante. Parmi eux, la Fondation Connaissance et Liberté (Fokal) de renom, qui favorise les organisations artistiques et culturelles, est maintenant en mode télétravail. Le centre culturel Anne-Marie Morisset, fondé par les écrivains Lyonel et Évelyne Trouillot, la médiathèque Kay Mizik La et beaucoup d’autres ont dû arrêter leurs activités.
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