P., dont l’identité a été volontairement préservée, est un chercheur s’intéressant aux effets des pesticides sur la santé humaine. Il est finement surveillé par l’industrie chimique, tout comme des centaines d’autres personnes critiques envers l’agriculture intensive. Sa vie personnelle et professionnelle n’ont plus de secret pour eux, grâce à une plateforme privée en ligne.
Cette plateforme, détenue par les dirigeants des principales entreprises de pesticides et de biotechnologies, contient une base de données massive de personnes jugées « critiques » de l’agriculture intensive qui utilise abondamment les produits chimiques et les organismes génétiquement modifiés.
Tous les aspects de leur vie sont scrutés sans la moindre discrétion. Des informations privées, sur la famille, les revenus, les antécédents judiciaires possibles et même les opinions politiques sont réunies dans cette base de données.
Selon des documents internes obtenus par Lighthouse Reports et partagés avec Le Monde et plusieurs médias internationaux, plus de 500 scientifiques, écologistes, journalistes ou experts de l’ONU sont fichés sur cette plateforme nommée « Bonus Eventus ». Cette base de données semble plus détaillée et plus sulfureuse que le « fichier Monsanto », révélé en 2019 par France 2 et Le Monde. Cette masse d’informations est prête à être utilisée pour nuire, discréditer ou déstabiliser ses cibles.
L’agence de relations publiques Fleishman-Hillard, représentant l’entreprise agrochimique, avait répertorié plus de 200 personnalités distinctes en France, notamment des leaders politiques, des scientifiques, des journalistes et des militants. Ces individus étaient classés selon leur opinion sur les produits Monsanto et leur influence sur le débat public.
Le dossier d' »informations contextuelles sur les personnalités critiques » créé par Bonus Eventus s’étend encore plus loin. Quelques journalistes ayant une expertise en matière d’investigation étaient conscients de cette plate-forme, mais jusqu’à présent, aucun n’a réussi à accéder à cette boîte secrète de la guerre de l’information lancée par les industries de l’agrochimie et des biotechnologies contre leurs adversaires présumés. L’entrée à la plateforme est gérée par un nom d’utilisateur et un mot de passe fournis par v-Fluence, la petite entreprise de gestion de la réputation qui supervise le système, spécialisée dans la défense des intérêts dans le secteur agro-industriel. L’attribution des comptes sur Bonus Eventus est sélective et se fait par cooptation. D’après nos sources, environ mille individus ont leur accès à ce club exclusif, entièrement dédié à la défense de l’agriculture industrielle.
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