Le retour à nos lieux habituels de vie, de travail ou d’étude est une occasion propice pour réévaluer nos interactions avec les espaces que nous fréquentons quotidiennement. Remarquons que dans la cour de récréation, les garçons monopolisent souvent la majeure partie de l’espace pour leurs jeux sportifs tandis que les filles sont souvent marginalisées ; que la température dans les bureaux climatisés est ajustée à l’anatomie masculine ; que dans les transports publics, certaines personnes occupent plus d’espace que d’autres ; et que dans la rue, elles sont constamment en mouvement, l’immobilité dans l’espace public reste un privilège masculin.
Dans son travail « Pour un spatio-féminisme. De l’espace à la carte », Nepthys Zwer, spécialiste de l’histoire de la culture visuelle, se penche sur ce rapport inégalitaire entre les genres et l’espace (La Découverte, 216 pages, 22 euros). Elle met en évidence comment « les lois de l’occupation spatiale sont au détriment des femmes » et comment les femmes sont conditionnées pour accepter et se conformer à cette répartition déséquilibrée de l’espace, la considérant même comme étant naturelle. Elle souligne notamment que « le langage et les connaissances géographiques sont influencés par une perspective masculine ».
« L’espace symbolique de la carte »
Parfois, cette compilation se retrouve submergée par son propre sujet dans le but pédagogique, cependant, son argument se précise lorsqu’elle met en évidence la contribution de la critique féministe à la compréhension de l’espace, citant la philosophe américaine Donna Haraway jusqu’à la géographe française Camille Schmoll.
Alors, comment peut-on altérer la configuration patriarcale de l’espace? L’auteure préconise, en supplément à d’autres formes de résistance, le recours à la contre-cartographie dans la dernière section de son texte. Ce procédé consiste à générer des cartes alternatives conçues pour démasquer et contester les fondations de pouvoir.
Enrichie de son savoir historique sur ses emplois militants et féministes, ainsi que de sa propre pratique – l’auteure organise souvent des sessions de cartographie communautaire -, elle expose la manière dont cette dérogation au pouvoir des cartes peut simultanément assister les participantes à saisir leurs habitudes de tous les jours, faire surgir de nouvelles données spatiales autrement compliquées à matérialiser et participer à l’établissement de contre-arguments efficaces. «En s’inscrivant dans l’espace symbolique de la carte, on force l’acceptation de soi, on existe pour autrui» : les femmes et les groupes marginaux, depuis longtemps effacés des cartes, ont ainsi selon l’auteure tout à gagner en se saisissant de cet instrument.
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