À quelques jours d’intervalle, François Ruffin et Jean-Luc Mélenchon ont présenté deux différentes approches électorales pour la gauche. En réaction à la non-nomination de Lucie Castets à Matignon par Emmanuel Macron, le lider de La France Insoumise (LFI) a exprimé crûment aux militants la nécessité de cibler un certain segment de l’électorat populaire, spécifiquement ceux des quartiers. Toutefois, François Ruffin, député de la Somme en désaccord avec LFI, a critiqué cette vision « spatiale » et « quasi raciale » des classes populaires, qui remplace leur identification traditionnelle basée sur les classes sociales, propre à la gauche historique. Il préconise de regagner l’adhésion de toutes les classes populaires, dont le lien avec son clan politique a été rompu depuis longtemps.
Lire entre les lignes reviendrait à rechercher un paradis disparu, celui de l’union de la gauche des années 1970 entre le Parti socialiste (PS) et le Parti communiste (PCF); ces deux groupes avaient alors captivé une large parcelle du vote populaire. Au second tour de l’élection présidentielle de 1981, François Mitterrand a obtenu 72 % du vote des ouvriers et 62 % des employés.
Dans les années 1980, le chômage en masse, une conséquence directe de l’accélération de la désindustrialisation, a conduit à la dislocation du monde ouvrier et a affaibli les syndicats, qui étaient jusqu’alors un important moteur de la politisation à gauche de ces groupes sociaux. La mutation des valeurs dominantes en Occident, de plus en plus axées sur l’épanouissement personnel et la liberté de choix, a rendu moins perceptible le discours traditionnel de la gauche en faveur de la solidarité et de l’entraide.
Se resignant vite à mettre en place des mesures d’austérité au nom des pressions de la mondialisation libérale et la création de l’Europe, le gouvernement de gauche perturbe sérieusement son support populaire. Le Parti Socialiste n’a montré aucune préoccupation à propos de cette érosion avant la défaite traumatisante de Lionel Jospin pendant le premier tour de l’élection présidentielle le 21 avril 2002. Un avertissement donné pendant la campagne par l’ex-Premier Ministre Pierre Mauroy, demandant au candidat socialiste de ne pas traiter le terme « ouvrier » comme une injure, n’a pas été suivi. Seul 13% de ces ouvriers ont donné leur vote pour lui.
Le fossé amère entre Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin ne doit pas faire oublier que le premier a défendu la stratégie de reconquête que le second préconise. En 2005, le courant Mélenchoniste Pour la République sociale s’est associé avec les partisans de Laurent Fabius pour présenter une motion commune avant le congrès du Parti socialiste au Mans en novembre. Cette motion, qui rassemblait des supporters contre la Constitution européenne, demandait un retour aux valeurs de « la France populaire, celle des ouvriers, des employés, des petits agriculteurs et artisans dont le statut et l’existence se dégradent ».
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