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25 septembre 2024 10 h 50 min

Féminicide Magali: maître, preuves, procès

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Il n’a pas porté de coup. Il n’a pas ôté la vie à Magali Blandin ni même l’a inhumée. Ce qu’il a fait, c’est simplement enregistrer le meurtrier confessant: « J’adore ma femme, je ne veux point la mettre à mort, je n’ai toutefois pas d’option ». Ce qu’il a fait, c’est le faire chanter pour lui soutirer de l’argent. Ce qu’il a fait, c’est savoir mais se taire. Ou ne pas agir pour stopper le drame.
Lors de l’audience au tribunal correctionnel de Rennes, le mardi 24 septembre, les représentants juridiques des victimes, de la défense ainsi que le procureur se sont retrouvés sur un point: il n’était pas question de tenir un procès qui ne permettrait pas de rendre justice. Le seul criminel, l’ex conjoint de Magali Blandin, Jérôme Gaillard, s’est suicidé en prison après avoir avoué le meurtre. Ses parents, poursuivis pour complicité, se sont également donnés la mort.
Il ne restait donc de cette affaire que trois Géorgiens, rejugés pour « tentative de racket », « fraude », « destruction de preuve » et « non-empêchement de crime ». « La tentation est forte de voir en M. [Giorgi] Zeragia le coupable parfait car il est difficile d’accepter que ce dossier est devenu une compensation », a insisté Antoine Ory pour la défense.
« Vous n’avez pas parlé »

Severiani Topuria est le premier à se présenter devant le juge, sans assistance juridique. Avec son physique abîmé par ce que le rapport décrit délicatement comme une « polytoxicomanie », on se demande s’il saisit pleinement la gravité de ses accusations. Cet homme proche de la cinquantaine, partiellement sans abri et aux multiples condamnations, a collaboré à l’écriture et à la distribution de lettres de menace visant Jérôme Gaillard, menaçant de rendre public des enregistrements le compromettant s’il ne versait pas 15 000 euros. La présidente explique calmement : « Vous êtes accusé d’avoir tenté de lui extorquer de l’argent en menaçant de révéler qu’il avait assassiné son épouse. » Elle ne reçoit en retour qu’une seule réponse, sans cesse répétée : « Je voulais seulement récupérer ce qu’il me devait, madame, rien de plus. »

Il s’agit de l’argent que Jérôme Gaillard devait à son cousin et co-accusé, Giorgi Zeragia, un homme robuste portant de grosses lunettes qui semble ne rien déstabiliser. Zeragia, ancien footballeur professionnel dont la carrière a été coupée court par une blessure, enregistre Gaillard en novembre 2020 en train de discuter du prochain assassinat de son épouse. Trois mois plus tard, lorsque le visage de Magali Blandin est apparu dans tous les journaux, accompagné des mots « Disparition inquiétante », il fait chanter Gaillard. Zeragia est le seul des trois à être accusé d' »omission volontaire d’empêcher un crime ».

« Dans son témoignage, Giorgi Zeragia déclare : « J’étais impuissant à empêcher qu’il assassine son épouse ». Pourquoi a-t-il effectué l’enregistrement trois mois avant le meurtre ? Pourquoi n’a-t-il pas signalé le problème à la police, plutôt que de conserver les enregistrements et de les utiliser pour le faire chanter ? Intervenant dans la discussion, la soeur de Magali Blandin s’exprime, « Pendant trois mois, vous auriez pu l’informer, nous en parler, ou bien le signaler à la police. (…) Après que tout a eu lieu, vous avez eu encore cinq semaines pour nous prévenir. Pendant ces cinq semaines, nous avons recherché Magali, et vous êtes resté silencieux. »
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