Perché sur une colline, le petit village de La Roche-Canillac en Corrèze abrite 127 âmes. Un chiffre qui croît légèrement avec une moyenne de vingt résidents spéciaux ajoutés. Depuis le mois de février, l’association Concienta a mis en place un hébergement pour les ex-prisonniers dans une grande structure en pierre, dont l’accès reste constamment laissé ouvert.
Il est à noter que ce centre se distingue des centres de resocialisation habituels en raison de son accueil illimité. Les résidents comprennent ceux qui ont subi des peines sévères, beaucoup ont à faire face à des dépendances, tandis que d’autres luttent contre des troubles psychiques. Les résidents incluent Kader, un homme de 71 ans, qui apprécie fumer confortablement assis sur une chaise de jardin et Jordan, âgé de 18 ans, un jeune homme de peu de mots mais toujours avec le sourire. On compte également Valentin, 36 ans, et son chien blanc et beige de race american staff, Mira, sans oublier Manu, 61 ans, le maître des répliques cinglantes qui confie : « Ensemble, nous avons presque cumulé deux siècles de prison », prononce-t-il d’une voix rauque pour se présenter.
Malgré leur apparente défiance, ils sont en réalité perdus. Une sensation de vide insondable vient souvent s’ajouter à la liberté nouvellement retrouvée. Errant entre les tables de la salle commune, s’appuyant au comptoir pour boire un café (l’alcool étant interdit), faisant quelques pas dans l’enceinte du bâtiment. Leur orientation intérieure est complètement perdue. Pour Marie-Ange Nowak, la directrice générale de l’association, la maison sert de « zone de réadaptation », une « bulle » dans laquelle « les gars » ont l’occasion de se reconstruire à leur manière et à leur propre rythme.
Miloud, à l’âge de 48 ans, est toujours vulnérable. Depuis ses 24 ans, sa vie se caractérise par des va-et-vient constants en prison : « J’ai purgé des peines de un an, quatre ans, deux ans, encore un an… Pour des actes de violence. Et pour étaler des drogues. » Chaque fois que le Limougeaud est libéré, il retombe inexorablement dans les travers de la rue, où il finit par « perdre les pédales ». En octobre 2023, après un autre passage en prison, il frappe à la porte de Concienta. « Cette fois, ça va marcher. » Pourquoi ? « Je ne sais pas, Madame. » Mais ça va mieux ? « C’est mon état d’esprit qui s’améliore. » Comment cela ? « Je me sens bien. » Pour la première fois depuis bien longtemps, Miloud a le sentiment d’être capable de lutter contre ses dépendances. « J’ai du soutien. Je vais y arriver, d’accord. Je suis simplement de passage », déclare-t-il, les mains enfouies dans les poches de son « hoodie ».
« Entièrement à l’instinct »
Les ex-détenus passent habituellement environ quinze mois. Traumatisés par leur séjour en prison, la plupart des nouveaux arrivants passent leur première semaine dans leur chambre, se retirant et restant silencieux. Petit à petit, ils sortent de leur isolement mental et réussissent à trouver leur place au sein de la petite communauté. Personne ne les pousse, et Gilles Martin, le fondateur de Concienta, sait établir une relation de confiance avec eux. « C’est un ami, une étoile au-dessus de ma tête », murmure Miloud.
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