Au collège Pablo-Neruda à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), la classe de 6e B a démarré leur première leçon de français et de culture antique. Les vingt-trois élèves ont d’abord discuté sur le sujet du latin, pratiqué la lecture de mots avec la bonne prononciation, et ont tenté, avec amusement, de saluer leur professeur en disant « Ave magistra ». Ils ont été surpris par une feuille posée sur leurs bureaux qui déclarait « Vous parlez déjà latin ». Cependant, au fur et à mesure que leur enseignante leur donnait des définitions, ils ont commencé à lever la main et à prononcer des mots comme « agenda », « aquarium », « vidéo », et « lavabo ». Ils étaient bien familiers avec ce vocabulaire, mais ils ne savaient pas qu’ils provenaient du latin.
L’objectif de Marie Osmont-Grindel, leur enseignante, est d’engager ses élèves de manière ludique dans une matière qui est habituellement une option à partir de la 5e. Selon les réactions positives à la fin de la séance où la majorité des élèves ont exprimé le désir de continuer, on pourrait dire que son défi est relevé. Cette expérience est une première pour cette professeur de lettres classiques qui, depuis six ans, travaille dans cette école parmi les plus démunies où le latin n’était pas enseigné auparavant.
Un cours de civilisation antique a été lancé en 6e avant l’inauguration d’une option latin en 5e en 2025, dans le cadre de l’initiative « attractivité » menée par le département de Seine-Saint-Denis et le rectorat de Créteil, une mesure dont Pablo-Neruda est bénéficiaire. Le but est de financer des « sections attractives » dans les collèges défavorisés que certaines familles tentent de fuir, pour promouvoir une meilleure diversité sociale et académique.
Plus de la moitié des étudiants sont des boursiers à Pablo-Neruda. Ce collège de près de 650 étudiants est situé dans le quartier prioritaire des Beaudottes, qui se trouve entre Aulnay-sous-Bois et Sevran, le deuxième QPV le plus peuplé en France. Il y a approximativement 70% de logements sociaux, près de 40% des 45 000 résidents vivent en dessous du seuil de pauvreté et environ 30% sont des étrangers. Les cités voisines du Gros Saule et des Beaudottes sont également des points nodaux du trafic de drogues.
Une ségrégation urbaine est réfléchie par le collège, répertorié comme éducation prioritaire renforcée (REP +). Entre 50% et 60% de ses élèves sont des boursiers et son indice de position sociale atteint seulement 77 (la moyenne nationale étant de 100). Cette concentration de difficultés est d’autant plus importante que certaines familles dont les enfants sont issus des écoles primaires locales, évitent l’établissement si elles le peuvent. Près de 20% des élèves de CM2 du quartier ne sont pas inscrits à Pablo-Neruda.
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