Avec le déroulement continu des semaines de la mode, l’industrie de la mode progresse de manière inébranlable, tout en restant consciente de son environnement. Pendant la Fashion Week de Milan, qui s’est déroulée du 17 au 23 septembre, plusieurs collections féminines pour le printemps et l’été 2025 ont été dévoilées. Dans leurs défilés, de nombreux créateurs ont manifesté leur inquiétude vis-à-vis de l’actualité, adoptant ainsi diverses perspectives.
« Nous vivons une période sombre et il serait illusoire de l’ignorer. Quand on travaille dans un domaine créatif, il est de notre responsabilité de refléter l’état d’esprit du public », déclarent Luke et Lucie Meier. En réponse à l’atmosphère morose actuelle, le duo à la tête de Jil Sander concocte une garde-robe à la fois pratique et poétique, offrant confiance à celle qui la porte. On y trouve des tailleurs à épaules larges, dont les manches sont embellies de franges virevoltantes au niveau des poignets, ainsi que des pantalons à taille haute, accentuée par une ceinture si longue qu’elle atteint presque les genoux. De plus, l’artiste canadien Greg Girard a embelli certaines tenues grâce à ses photographies qui dépeignent la solitude des métropoles du début des années 1980. Il y a aussi de magnifiques robes aux dégradés de couleurs, où la soie brillante rappelle la réflexion d’un coucher de soleil sur l’eau. La beauté des vêtements de Jil Sander ne sauvera pas le monde, mais elle contribue à sa beauté.
Chez Diesel, l’attention de Glenn Martens est surtout portée sur les problématiques environnementales. La scène du défilé est parsemée de tas de chutes de denim, recouvrant le sol et les piliers du grand magasin, représentant près de 15 tonnes de tissu. La marque s’engage à recycler tout cela après la présentation, renforçant ainsi son engagement envers l’écologie. « Il y a une certaine esthétique dans les débris, dans ce qui est usé et démolis », déclare le Belge, ayant encore perfectionné son approche du textile cette saison. Tous les tissus, notamment le denim, qui est la caractéristique de la marque, sont déchirés, coupés, usés, parfois remontés. Ces manipulations transforment certaines pièces de vêtements en objets sensuellement provocants (des t-shirts qui révèlent le décolleté, des shorts qui ne laissent presque rien à l’imagination), mais la plupart du temps, cela attire l’oeil : Qu’est-ce donc que cette robe en PVC, dont les bords découpés en longues franges sont enroulés comme une écharpe autour du cou ? Ou cette robe en chutes de denim aussi luxuriante qu’une colonie de polypes?
Loutres, éléphants et orques.
Au cours de la conférence de presse préliminaire du défilé Versace chez leurs bureaux de verre, Donatella Versace se distingue en troquant son accoutrement noir habituel pour un costume rouge éclatant. « Nous avons besoin de plus de couleurs en ce moment, » soupire-t-elle. « Nous vivons dans un monde tourmenté par des conflits constants et où des mauvaises nouvelles surgissent chaque jour. La mode n’a pas de pouvoir face à cela, mais elle peut offrir un moment d’évasion. C’est ma mission. » Avec succès, elle remplit cette mission lors de son défilé au château de Sforza. Le mariage entre la lourdeur de son cadre historique daté du XVe siècle et la légèreté de sa collection inspirée des années 90 – une époque que Donatella Versace considère plus joyeuse – est plutôt réussi. Des couleurs vives telles que la lavande, le citron, le caramel et l’azur s’unissent dans ses imprimés floraux rétro. Les modèles sont plutôt simples : des polos, des cardigans, des jupes mi-longues et des escarpins fantaisies dont le talon est modelé à l’image du parfum Bright Crystal pour la journée ; pour le soir, des robes drapées mais toujours multicolores. Va bene !
Pour la précédente saison, le créateur principal de Bottega Veneta avait conçu une collection illustrant un « monde en feu ». Cependant, cette fois, Matthieu Blazy a choisi de s’abriter dans un monde où l’émerveillement est toujours présent, le monde de l’enfance. À leur arrivée, les spectateurs se trouvent dans un hangar rempli de poufs en cuir façonnés en forme de divers animaux tels que des loutres, des éléphants, des orques et des renards – une menagerie fabuleuse créée en collaboration avec l’éditeur de meubles Zanotta. « C’est l’expression de l’idée de l’arche : un monde joyeux peuplé de camarades charmants qui font sourire et impressionnent en même temps », explique Matthieu Blazy. Sa collection poursuit cette exploration de l’enfance, avec des clins d’œil subtiles à des films qui l’ont influencé : le jeu La Dictée Magique, aperçu dans E.T. l’extraterrestre (1982), de Steven Spielberg, est incarné par un superbe sac en cuir tressé ; le costume trempé de Tom Hanks dans Splash (1984), de Ron Howard, est reproduit dans une laine tropicale donnant l’impression d’être froissée.
La splendeur de cette garde-robe réside dans une multitude de touches minutieusement sélectionnées : une broche grenouille incrustée dans le dos d’un gilet pour le cintrer un peu plus, des ornements pendouillant du bas d’une jupe de cuir qui oscillent à chaque mouvement, un blazer surdimensionné qui rappelle les mômes jouant à essayer les vêtements de leurs parents, jusqu’à ces tournesols de cuir et de tissu portés sous le bras par certaines modèles, comme si elles venaient de quitter un magasin de fleurs. « Cette collection est un écho à une aspiration pour la beauté, la gaieté et les instants personnels. Le désir de continuer à s’amuser. Nous avons besoin de créer de la mode. C’est aussi une manifestation de liberté », déclare Matthieu Blazy, dont le défilé est sans aucun doute le plus sublime et délicat de la semaine de la mode de Milan.