Dans le parc clos du Duc de l’Infantado, les enfants regardaient tristement leur château-toboggan renversé et leurs manèges démontés par les employés municipaux de Manzanares el Real. En début septembre, leur chagrin se manifestait par des pleurs, des coups donnés à la clôture et des tentatives d’escalade infructueuses.
Almudena de Arteaga y del Alcazar, la vingtième duchesse de l’Infantado, âgée de 57 ans, a repris les jardins que son grand-père avait autorisés à la ville d’utiliser depuis 1975, l’année de la mort du dictateur Francisco Franco, dans une tentative d’apaiser les témoignages de sympathie des citoyens. Pendant un demi-siècle, les enfants de cette localité montagneuse située à 50 kilomètres au nord de Madrid et comptant environ neuf mille résidents, avaient joué et grandi dans ces espaces. Maria Monclin, mère d’un garçon de 5 ans, se désole de la disparition de ce parc qui, sous de grands arbres séculaires, offrait une ombrage enviée, et constituait un lieu de rencontre et de diversité pour les familles de Manzanares. Ce parc avait une valeur sociale et environnementale remarquable, surtout étant donné qu’il était le seul parc du centre-ville à offrir ces avantages.
La Maison de l’Infantado, une des plus illustres familles nobles d’Espagne, revendiquait depuis dix ans la propriété d’un parc. Cette famille, dont l’histoire remonte au 15e siècle, n’a pas réussi à trouver un accord sur le prix de vente avec la municipalité, représentée par Almudena de Arteaga, célèbre pour ses romans historiques. Le cadastre avait estimé la valeur du terrain, non constructible, à 140 000 euros, mais la duchesse souhaitait 2,5 millions d’euros. La mairie a tenté d’exproprier la duchesse, mais celle-ci a répliqué par une procédure d’expulsion et a triomphé en juin.
José Luis Labrador, le maire socialiste de Manzanares, a tenté de calmer la colère grandissante dans sa commune en justifiant sa position sur les réseaux sociaux. Il expliquait qu’accepter le prix demandé par la duchesse aurait été équivalent à de la corruption. Il a ensuite annoncé des plans pour un nouveau parc sur un terrain vacant précédemment occupé par un parking. Les habitants ont pris la décision de ne pas se retirer du combat.
La duchesse de l’Infantado, s’exprimant sur la chaîne Onda Cero, a admis que l’expulsion lui avait causé un certain malaise et a mis en cause la « cupidité » de la mairie. Selon elle, elle a dû payer une fortune en taxes liées au parc. Le parc est retourné officiellement à la Maison de l’Infantado le 15 septembre, jour lors duquel de nombreuses familles se sont réunies sur place pour une dernière manifestation. Vera Sanz, une technicienne en audiovisuel de 45 ans qui est maintenant sans aire de jeux pour ses trois jeunes enfants, s’est attristée. « Jusqu’à quand une seule famille pourra-t-elle hériter de biens provenant d’un système féodal, au détriment de l’intérêt public? » a-t-elle lamenté.
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