Yan Morvan, une figure marquante du photojournalisme des années 1980, avait un penchant pour les marginaux et la provocation. Il a documenté de nombreux événements historiques, notamment la guerre du Liban et le conflit en Irlande du Nord. Cependant, Morvan était surtout reconnu pour son attirance vers ceux vivant en périphérie de la société, tels que les gangs, les punks, les skinheads, les rockers, les fétichistes et les prostituées. Après une carrière photographique de cinquante ans et une vingtaine de livres publiés, Morvan est décédé à Paris le 20 septembre à l’âge de 70 ans.
Né dans une famille militaire, Morvan a rompu avec ce milieu dès son adolescence. Passionné par l’Iliade et les péplums, il aspire rapidement à documenter l’histoire. Dans les années 1970, alors qu’il est étudiant en cinéma à Vincennes et travaille sur divers petits emplois, Morvan commence à photographier les manifestations pour le journal Libération.
Il est attiré par les individus marginaux. En 1975, il rencontre un rocker en difficulté sur la place du Tertre, à Paris, ce qui le pousse à s’immerger pendant trois ans dans la vie des blousons noirs, les jeunes de banlieue parisienne évoluant entre musique, violence et motos. Son œuvre rauque en noir et blanc a été publiée dans Paris Match et dans un livre intitulé « Le Cuir et le Baston », écrit en collaboration avec le journaliste Maurice Lemoine (1977, Ed. Jean-Claude Simoën).
L’agence Sipa de Göksin Sipahioglu, une des trois grandes agences « A » populaires des années 1970-1980 (Sipa, Gamma, Sygma), recrute des individus qui défient les normes conventionnelles, des prostituées aux punks. Assez ironiquement pour ce « cryptosituationniste à tendance anarchiste », c’est une photo glamour qui lui vaut son premier véritable succès. En 1981 à Londres, il capture le regard de la princesse Diana le jour de son mariage, alors qu’elle le fixe depuis son chariot. Par la suite, il se plonge dans le conflit en Irlande du Nord, se joignant aux jeunes catholiques impliqués dans les « Troubles » à Belfast et à Derry. Ces derniers lancent des pierres alors que Bobby Sands, le leader de l’IRA, se laisse mourir de faim en prison. « Il aimait côtoyer les « mauvais » ».
Dans les années 1980, son principal centre d’intérêt était le Liban. Il s’y rendit de manière impromptue en 1982 pour remplacer le photographe blessé, Reza Deghati. Cela a conduit à une collaboration durable avec le magazine américain Newsweek et à un séjour de près de trois ans marqué par des bombardements et diverses rencontres avec le leader palestinien Yasser Arafat, le président libanais Amine Gemayel, des combattants de différentes confessions et des civils qui luttaient pour survivre. Il raconte avoir échappé de justesse à la mort à deux reprises, notamment à Tripoli, dans le nord du pays où les Frères musulmans le prient de se convertir à l’islam, le soupçonnant d’être un agent israélien. Yan Morvan est revenu sur les lieux en 1985 « pour l’histoire » avec un appareil photo volumineux, capturant des portraits de combattants et de résidents sur la « ligne verte » séparant Beyrouth. Son œuvre sur cette période « Guerre de Troie », tel qu’il la nomme, a été publiée dans un gros volume, Liban, en 2018 par les éditions Photosynthèses. Le reste de l’article est réservé aux abonnés.
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