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22 septembre 2024 21 h 47 min

Révolution: héritage d’affrontement politique

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Dans son ouvrage récent, « Il nous fallait des mythes: La Révolution et ses imaginaires. De 1789 à nos jours », publié chez Tallandier, qui compte 448 pages et coûte 24,60 euros, l’historien Emmanuel de Waresquiel, expert de l’ère moderne, examine les souvenirs et les patrimoines de la Révolution française. L’éminent professeur affilié à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) note en particulier que son souvenir a été altéré et reformulé au fil des transformations politiques et sociales du pays.

Il se pose la question de savoir pourquoi la préférence est donnée aux mythes de la Révolution française plutôt qu’aux incidents eux-mêmes. La Révolution a autant d’importance par ses visions que par son existence réelle. Les souvenirs révolutionnaires ont modelé des générations entières. Nous sommes en quelque sorte les dernières ramifications de celle-ci. Bien que la période sombre de Vichy (1940-1944) ait incité la majorité de la droite à rompre avec ses traditions contre-révolutionnaires, elle n’a pas nécessairement effacé la division qui a façonné le pays, comme une paroi de verre, pendant près de deux siècles. En effet, tous les partis proclament leur adhésion à la République à l’heure actuelle, mais l’héritage révolutionnaire est toujours reçu avec enthousiasme par certains et suspicion par d’autres.

Son livre s’articule autour d’une analyse des relations entre l’histoire et la mémoire. Les moments considérés comme fondateurs, les lieux, les symboles de la Révolution, leur sacralisation ou leur rejet par les gouvernements successifs n’ont souvent que peu de lien avec la perception qu’avaient les révolutionnaires de leur époque.

Il interroge alors comment ces constructions mémorielles voient le jour.

Les souvenirs de la Révolution ont été largement transmis par des gouvernements et des institutions. C’est une création étatique, ambitieuse et parfois autoritaire. Néanmoins, ces souvenirs finissent par échapper à ceux qui les créent et deviennent de plus en plus personnels et subjectifs à mesure que les individus les récupèrent.
Les mémoires de la Révolution n’ont pas simplement inspiré des rêveries, elles ont également servi à légitimer le nouveau régime républicain. Il était nécessaire d’avoir des mythes pour y parvenir. Ce qui est intéressant, c’est non seulement la création de ces mythes, mais aussi leur déformation au fil de l’évolution politique et sociale du pays jusqu’à aujourd’hui.
Pensez-vous que le legs révolutionnaire pourrait expliquer certaines difficultés politiques actuelles ?
En effet, dans de nombreux aspects. Le renversement de la souveraineté en 1789, du roi à la nation, a été réalisé soudainement, unilatéralement et brusquement, laissant une culture politique de confrontation plutôt que de compromis. S’ajoute à cela l’un des principes fondamentaux de la Révolution, l’indivisibilité et l’unanimité de la nation. Les députés réunis au Jeu de paume le 20 juin 1789 ont juré de ne pas se séparer avant d’avoir conçu une Constitution pour la France, à l’exception de Joseph Martin-Dauch, le premier « dissident » de la Révolution qui échappe à la guillotine suite à une confusion orthographique de son nom. L’indivisibilité et l’unanimité font de l’opposition un traitre. Cela nous amène directement à la Terreur. Les minorités de l’Assemblée n’étaient ni aimées ni comprises pendant la Révolution. Le climat conflictuel actuel au sein du parlement trouve ses racines dans ce passé.

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