« Pocahontas au pays des merveilles » est une oeuvre de Klaus Theweleit, un écrivain et sociologue allemand. Il a été traduit en français par Christophe Lucchese et est édité par L’Arche dans la série « Tête-à-tête ». Le livre compte 764 pages et coûte 27 €. Pour beaucoup, Pocahontas est simplement le personnage d’un film d’animation de 1995 qui raconte l’amour passionné entre une princesse algonquine et un audacieux capitaine britannique du nom de John Smith au début du 17e siècle, lorsque la Virginie a commencé à être colonisée. Ce dernier a été nommé en hommage à la reine Elisabeth Ière, réputée pour sa virginité et ses aspirations impériales. Cependant, dans ce livre, Theweleit veut montrer que l’histoire de cette jeune Indienne, aussi connue sous le nom de Matoaka-Amonute (1595-1617), est surtout un des grands mythes sur lesquels se fonde l’Occident moderne et prémoderne. Un des événements clefs de cette histoire est le moment où Pocahontas sauve la vie de Smith, prisonnier de sa tribu, en plaidant sa cause auprès de son père, le chef Powhatan, bien que cette scène n’ait peut-être jamais eu lieu.
Theweleit, un auteur fréquemment publié, a consacré un nombre impressionnant de quatre volumes à cette presque légende. Le premier d’entre eux, Pocahontas in Wonderland, initialement publié en allemand en 1999, est maintenant traduit en français avec une présentation actuelle. Son travail donne un aperçu de tous les aspects d’une histoire qui pouvait signifier une coexistence pacifique entre les indigènes et les colons. L’histoire, à chaque fois qu’elle n’a pas été réalisée, semble avoir continué à voyager à travers le temps, passant du siècle au siècle, pour se retrouver finalement dans la littérature et une imagerie riche, que l’on peut voir à chaque page du livre.
L’auteur déploie une érudition fluide, sans jamais éviter les digressions ou les redites. Ces dernières sont souvent bénéfiques pour ceux qui ne sont pas très familiers avec le règne de James VI d’Ecosse et I d’Angleterre (1566-1625), pendant lequel a commencé la colonisation britannique en Amérique du Nord. De cet écrasement littéraire, dans lequel divers univers et époques divergentes se heurtent, une thèse se détache: il repose sur le mariage de la véritable Pocahontas, non pas avec Smith, mais avec John Rolfe, un innovateur dans la production de tabac en Virginie. Selon Theweleit, les effets de ce tabac annonçaient déjà notre fascination pour le numérique.
La cérémonie de mariage et la conversion ultérieure de l’Algonquine, suivies de son voyage en Angleterre où elle terminera sa vie, symbolisent un chemin non parcouru, celui de la fusion des cultures. L’éphémère rencontre de la femme autochtone avec Smith, qui n’a pas abouti à une relation, démontre que la colonisation du Nouveau Monde était d’emblée vouée à la violence et au rejet de l’interculturalité. Par contre, l’alliance de Rolfe avec Pocahontas prouve que l’épuration ethnique aurait pu être évitée. La survie du mythe indique par ailleurs que cette seconde alternative n’a pas été totalement effacée, du moins dans les perceptions et les sensibilités artistiques.
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