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22 septembre 2024 4 h 49 min

Mères luttant contre les proxénètes

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Lors de leur rencontre initiale, Samantha, 43 ans, reçoit Rachel, 46 ans, dans son jardin en Occitanie. Pour des raisons de confidentialité, leurs noms ainsi que ceux de leurs filles ont été changés. Elles se disent bonjour en échangeant trois bisous. Samantha offre du café et elles bavardent pendant un certain temps sur des sujets divers. Cependant, l’éléphant dans la pièce est inévitable : la situation de leurs filles. Samantha est la mère de Délia, 17 ans, tandis que Rachel est la mère de Victoire, 14 ans, qui a disparu depuis six mois. Ces deux filles ont été manipulées par des réseaux de prostitution lorsqu’elles étaient encore adolescentes et ne revenaient à la maison que de façon intermittente ces dernières années. Toutes deux expriment leur soulagement de parler à quelqu’un qui peut comprendre.

Dans de telles situations difficiles, les parents, à l’instar de Samantha et Rachel, se sentent souvent désemparés, honteux de leur ignorance et ne sachant pas vers qui se tourner pour obtenir de l’aide. Les mères sont généralement celles qui mènent le combat en essayant de sauver, de soigner et d’aider à reconstruire leur fille. On estime que le nombre d’adolescents exploités sexuellement est de dix mille, en grande majorité des filles, et on suppose que ce chiffre est encore une sous-estimation.

Le taux d’exploitation sexuelle des mineurs a augmenté de 70% entre 2015 et 2020, selon un rapport publié en 2021 par un groupe de travail constitué d’associations, de médecins et de policiers, présenté à Adrien Taquet, qui était alors secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

Les médias sociaux ont contribué à l’amplification de cette tendance, où désormais, la majorité des offres, connues sous le nom de « plans », sont disponibles en ligne. Ces activités sont généralement pratiquées dans des espaces privés comme des hôtels ou des appartements loués. C’est un phénomène insaisissable et discret. On peut les trouver sur des sites spécifiques mais aussi sur Vinted (par exemple, sous le prétexte de « Vend jeune fille robe »), Leboncoin (y compris des offres de massage, bien que le site soit prudent et dispose de précautions) ou le dark Web, ce qui rend le tracking encore plus délicat. De plus, une seule annonce pourrait concerner plusieurs filles, dit Sophie Antoine, la responsable juridique de l’ACPE (Agir contre la prostitution des enfants).
Des images que j’aurais préféré ne pas voir
Dans cet incident de 2019, la sœur de Samantha, et tante de Délia, a découvert le secret en fouillant dans le téléphone de sa nièce. A ce moment-là, la jeune fille de 13 ans était placée dans un foyer, suite à une décision d’un juge pour enfants, suite à une fugue et des actes de violence contre sa mère. Sa tante tomba sur des photos et des annonces correspondantes, et a immédiatement informé sa sœur : « Des images que j’aurais préféré ne pas voir », avoue Samantha. Elle tente de retracer la série des événements : « J’ai échappé à la violence de son père quand elle était encore très jeune, et nous avons déménagé à plusieurs reprises. Elle était une enfant facilement influençable, manquant de confiance en elle-même. Quand elle a eu 12, 13 ans, j’étais très occupée par le travail et je l’ai plutôt laissée vivre son monde, avec son téléphone ».
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