L’activité commerciale prétendument éthique, alliant principes islamiques et esprit d’entreprise, est-elle en réalité une secte aux méthodes perverses, exploitant les liens familiaux pour tirer profit des parents et de leurs enfants sous prétexte de vie communautaire? Les autorités malaisiennes, dans ce pays à majorité musulmane, inclinent de plus en plus vers la deuxième hypothèse, à mesure que l’enquête sur Global Ikhwan Services and Business Holdings (GISB) progresse. GISB, un groupe successeur d’un mouvement islamique nommé Al-Arqam, banni en Malaisie il y a trente ans, est soupçonné d’abus physiques et psychologiques sur des centaines d’enfants.
Le 21 septembre, la police malaisienne a effectué de nouvelles fouilles dans une centaine de « maisons d’accueil » associées au groupe, qui sont censées accueillir les enfants des membres du groupe, ainsi que des abandonnés et des orphelins. Ce quatrième raid depuis le début du mois porte à plus de 400 le nombre total de victimes présumées, tous des enfants et adolescents, filles et garçons, âgés de 2 à 17 ans. Certains de ceux déjà examinés par des médecins à la suite d’un raid le 11 septembre étaient autistes ou handicapés mais non pris en charge. Au moins 13 adolescents ont subi des agressions sexuelles.
Plus de 350 personnes du personnel de ces maisons d’accueil, ainsi que d’autres établissements associés au groupe, comme des cliniques, ont été arrêtées. Ce groupe, qui compte plus de 5 000 « membres employés », possède également de nombreuses activités liées à la restauration et à la production d’aliments halal. Le 20 septembre, 19 membres de la direction de GISB, dont le PDG Nasiruddin Ali, ont été placés en détention pour enquête. La police a aussi rapporté avoir découvert chez eux des livres et des documents faisant la promotion de la secte interdite.
Dans un contexte de six mois d’enquête suite à des alertes et des révélations sur les médias sociaux, des cas d’abus ont finalement émergé, suscitant une vive réaction en Malaisie. Le Sultan Ibrahim Ismail, la figure monarchique du pays, a finalement rompu le silence le 17 septembre, exhortant les forces de l’ordre à mener une enquête approfondie sur les délits perpétrés. Des lanceurs d’alerte exposent un système d’exploitation et d’abus à grande échelle, mettant en lumière les insuffisances de la protection de l’enfance en Malaisie.
« Isolés du monde»
Dans cette organisation singulière, les employés résident dans des foyers séparés, les hommes et les femmes vivent séparément. Ils sont contraints de renoncer à élever leurs propres enfants dès l’âge de deux ans. Les enfants sont alors placés dans des orphelinats gérés par le groupe, sans accès à l’éducation et isolés du reste du monde », révèle une activiste et lanceuse d’alerte dans une entrevue avec Le Monde, préférant garder son identité secrète lorsqu’elle s’adresse à la presse internationale. Pour elle, c’est une façon de les endoctriner : « GISB prétend avoir été autorisé à mettre en place son propre programme éducatif, mais cette permission a-t-elle été obtenue de manière légitime ? » demande-t-elle. En 2019, elle a aidé pour la première fois une Singapourienne cherchant à échapper, avec ses neuf enfants, à l’influence de GISB et d’un mari abusif, fils de hauts dirigeants du groupe. Elle continue d’aider les témoins dans leurs démarches judiciaires.
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