Existe-t-il une autre région, en dehors de l’Alsace, patrie des winstubs, qui possède un type de restaurant traditionnel dont le terme fait clairement allusion à la pratique de la consommation du vin ? Qu’en est-il des bouchons lyonnais ? Bien que ces lieux soient dédiés au beaujolais, leur nom ne provient pas du débouchage du vin, mais plutôt de petits faisceaux de brindilles (appelés bousche en ancien français) que les propriétaires de cabarets suspendaient au-dessus de leur entrée.
En ce qui concerne l’origine du mot alsacien, il indique sans équivoque son lien avec le vin : « win » signifie vin et « stub », la pièce où il est savouré. Les winstubs, avec leur bois et leur marqueterie vieillis, leur atmosphère feutrée par des fenêtres en cul-de-bouteille, leurs nappes à carreaux en kelsch, leurs carreaux de faïence illustrés et leurs lithographies de Hansi, sont censés incarner « l’esprit confortable de l’Alsace », l’essence même de l’art de bien boire, de bien manger et de la convivialité.
Cet idéal de « vérité » est cependant parfois détourné, il faut le reconnaître, par le tourisme de masse qui tend à standardiser le pittoresque jusqu’à l’extrême. Néanmoins, il existe encore des demeures, du Haut-Rhin au Bas-Rhin, qui, tout en respectant les traditions, innovent en matière de propositions gastronomiques et œnologiques.
Artisans, bourgeois ou nobles.
Les « winstubs » descendent d’une tradition de convivialité datant du Moyen Age, qui était typique des « poêles corporatives » : de vastes espaces chauffés par un poêle (ou « stube ») où se retrouvaient artisans, bourgeois et nobles pour des réunions ou pour se détendre et se restaurer. Ces lieux étaient courants à Strasbourg à l’époque de l’Ancien Régime et ont continué d’exister après la Révolution, devenant avec le temps un symbole d’identité culturelle. Suite à la défaite française en 1871 et à l’annexion de l’Alsace au Reich allemand, de grandes brasseries ou « bierstubs » ont vu le jour, où l’on consommait surtout de la bière. En réaction, les Alsaciens auraient créé des lieux plus privés, les « winstubs », destinés à la dégustation de vin.
Les producteurs de vin et les commerçants ont utilisé cet « acte de résistance » pour promouvoir et vendre du riesling, sylvaner, gewurztraminer, pinot et edelzwicker en carafe, tandis que certains n’hésitaient pas à investir dans ces établissements. Au départ, les clients consommaient du vin accompagné d’un casse-croûte, qu’ils apportaient parfois eux-mêmes. Mais peu à peu, l’offre s’est étoffée pour inclure des spécialités qui sont devenues incontournables : presskopf (tête de fromage), salade de cervelas, tarte à l’oignon, boeuf au gros sel, tête de veau, choucroute, quenelles de foie, poulet au riesling, rognons à la sauce moutarde, jambonneau…
Pour lire la suite de cet article, il faut être abonné et il reste 72.82% de l’article à découvrir.
Laisser un commentaire