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22 septembre 2024 22 h 47 min

Lemire: Construire un camp d’apaisement

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Le sombre anniversaire du 7 octobre 2023, telle une aube sinistre, se profile sur l’horizon de nos consciences fatiguées. Plutôt que de nous éclairer, il nous aveugle et nous terrifie. Pour lui échapper, nous fermrons les yeux. Pour éviter de faire face à l’effroi d’une guerre qui dure presque un an, nous nous mettons les mains sur les oreilles. Néanmoins, il est essentiel de résister à cette torpeur. On doit se souvenir, nommer, compter et observer.

Le 7 octobre 2023, plus de 1 100 Israéliens sont tombés sous les attaques des terroristes du Hamas, selon les statistiques officielles des autorités israéliennes, qui recensent près de 800 civils, incluant près d’un tiers de femmes et d’enfants, parmi les victimes. C’est l’attentat terroriste le plus sanglant dans l’histoire d’Israël. Si on devait le transposer en France, cela équivaudrait à un attentat faisant 9 000 victimes en un seul jour, dont 3 000 femmes et enfants.

Suite à cela, plus de 40 000 résidents de Gaza ont succombé sous les bombardements de l’armée israélienne, selon les estimations du ministère de la santé du Hamas, qui ne peut compter que les corps récupérés des ruines et identifiés. Parmi eux, plus des deux tiers sont des femmes et des enfants. Si on devait transposer ces chiffres à l’échelle de la France, cela équivaudrait à 1,5 million de morts, dont 1 million de femmes et d’enfants.

Au printemps, l’ONU a mis ces chiffres effrayants en parallèle avec ceux des conflits armés les plus mortels récents, et le constat est sans appel : durant les quatre premiers mois du conflit, plus d’enfants ont été tués à Gaza qu’au cours des quatre dernières années dans tous les conflits armés dans le monde.

Une dégradation continuelle du dialogue public

Ces statistiques sont stupéfiantes, mais plutôt que de nous secouer de notre apathie, elles ont maintenant un effet anesthésiant sur nous. Pour donner un sens à ces chiffres, il serait nécessaire de transformer chaque chiffre en visages, histoires, regards individuels.

C’est faisable pour les victimes israéliennes, dont les détails de la vie et de la mort peuvent être relayés par la presse. C’est le cas du jeune Hersh Goldberg-Polin, âgé de 23 ans, qui a été abattu à bout portant d’une balle dans la tête dans un tunnel de Gaza il y a quelques jours après onze mois de captivité. Lors de ses funérailles, l’ancien ministre Benny Gantz a reproché à Benyamin Netanyahu d’avoir priorisé la protection de sa coalition au lieu de celle de sa population, critiquant ainsi son refus de conclure un accord de cessez-le-feu et de libération des otages, compromettant ainsi le devoir de protection des citoyens, un contrat moral central dans l’histoire d’Israël.

Néanmoins, il est plus ardu de donner une identité aux morts palestiniens, du fait de l’absence d’accès des médias internationaux à Gaza et la mort d’au moins 130 journalistes sur place depuis le 7 octobre 2023. Néanmoins, grâce à ces derniers, nous connaissons l’histoire de Hind Rajab, une petite fille de 6 ans qui a été tuée avec sa famille alors qu’ils essayaient d’échapper aux hostilités en février. Elle avait contacté les services d’urgence depuis une voiture criblée de balles ; son corps n’a été retrouvé que douze jours plus tard.

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