Il est nécessaire d’avoir le courage d’envahir l’envahisseur, en particulier lorsque celui-ci dispose d’une vaste collection d’armes nucléaires et que vous n’avez pas de telles armes à votre disposition. En dépit de leurs limites, l’occupation de près de 1 500 kilomètres carrés de territoire russe par les forces ukrainiennes, qui a commencé le 6 août à Koursk, marque une évolution significative dans le conflit ukrainien et dans l’histoire de l’arme nucléaire.
Depuis 1949, lorsque les Soviétiques se sont eux-mêmes munis de l’arme atomique, la doctrine de la dissuasion a été forgée pour protéger le territoire de la nation qui la possède. La situation actuelle aurait pu déclencher une escalade explosive. Cependant, le Kremlin a choisi de minimiser l’importance de l’opération ukrainienne, qui constitue néanmoins la première attaque par des forces étrangères en Russie depuis 1945 – si l’on excepte les incidents survenus à la frontière russo-chinoise en 1969.
Le terme français « dissuasion » dérive du mot latin dissuadere, qui signifie persuader l’autre partie par des paroles fortes, voire menaçantes, d’abandonner son action prévue. Son équivalent anglais, deterrence, vient du latin terrere, qui signifie « effrayer ». Le message doit à la fois démontrer la résolution de celui qui l’envoie, tout en restant assez vague pour que l’agresseur ne puisse pas évaluer les effets précis de telle ou telle action. Pour être efficace, la dissuasion nécessite un subtil équilibre entre clarté et ambiguïté, où ce qui est non-dit et implicite compte autant que ce qui est explicitement déclaré.
Bruno Tertrais, le directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, précise que malgré le fait qu’un pays possède des armes nucléaires, cela ne signifie pas que toute interaction militaire sur son sol entrainera une réponse nucléaire. Il souligne l’importance de la géographie, en notant que une intrusion de 100 kilomètres en Russie n’est pas la même chose qu’une intrusion de 100 kilomètres en Israël. La doctrine nucléaire russe stipule que les armes nucléaires ne seront déployées qu’en face d’un danger existentiel, tandis que celle de la France se concentre sur la protection de ses intérêts vitaux. Pour tous les états qui les possèdent, la bombe atomique est l’outil de dernier recours.
Le conflit en Ukraine se déroule cependant sous la potentielle menace nucléaire. Le président russe a souligné la capacité nucléaire de son pays, poussant la France à augmenter son niveau d’alerte. Le Télégramme a révélé le 21 mars 2022, un mois après le début de l’invasion russe, qu’un troisième sous-marin nucléaire partait de l’île Longue en Finistère. C’est la première fois depuis la fin de la guerre froide que trois sous-marins nucléaires français sont en mer en même temps. Pendant ce temps, les États-Unis augmentent leur stock d’ogives nucléaires dans cinq pays membres de l’OTAN (Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Turquie), une pratique datant des années 1950.
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