Peu de temps avant que leurs noms soient officiellement annoncés sur les marches de l’Elysée, les trente-huit ministres pressentis pour le futur gouvernement Barnier, une fois approuvés par Emmanuel Macron, doivent subir un contrôle confidentiel par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Le but étant de s’assurer qu’aucun de ces futurs ministres n’est en litige avec le service des impôts, n’a de conflit d’intérêts apparent avec ses futures responsabilités, ou n’a de mention préoccupante sur son casier judiciaire. Autrement dit, il s’agit d’éviter tout possible scandale qui pourrait être révélé par la presse. Le vendredi 20 septembre, la HATVP a indiqué au journal Le Monde qu’elle « ne pouvait ni confirmer ni infirmer que de telles vérifications étaient en cours », respectant un principe de confidentialité extrêmement rigoureux.
La HATVP, créée en janvier 2014 en réaction à l’affaire Cahuzac – un ancien ministre socialiste qui avait caché un compte bancaire à l’étranger – a la responsabilité de surveiller de près le patrimoine et les possibles conflits d’intérêts des membres du gouvernement, des élus et des hauts fonctionnaires, une fois qu’ils sont nommés. Bien que la loi n’exige pas ce contrôle préalable, la pratique de consulter la HATVP avant la nomination d’un gouvernement est devenue courante.
En effet, bien qu’il ne soit pas un contrôle officiel selon la loi mais plutôt une « transmission d’informations », selon le langage de la HATVP, cet examen préliminaire sur l’intégrité, effectué dans un délai défini par une petite équipe, sert néanmoins de filet de sécurité pour l’exécutif. Emmanuel Macron a ainsi systématiquement impliqué la HATVP avant de confirmer les gouvernements de Philippe (2017), Castex (2020), Borne (2022) et Attal (2024), tout comme François Hollande l’avait fait avant lui lors du remaniement de 2016.
Détermination des risques de conflit d’intérêts.
En pratique, les noms sélectionnés par le Premier ministre, Michel Barnier, qui doivent être communiqués par le président à l’autorité éthique, selon la procédure, sont censés être examinés avant toute annonce publique. Les informations détenues par la HATVP (déclarations de patrimoine et d’intérêts pour les anciens élus ou hauts fonctionnaires, mesures prises pour confier la gestion de leurs investissements financiers à un tiers, etc.), l’administration fiscale (situation fiscale) ou d’autres administrations compétentes (éventuelles affaires en cours) seront minutieusement analysées, tout comme toute autre information publiée par les médias. L’objectif n’est pas de réaliser un contrôle complet, impraticable dans le délai imparti, mais de détecter tout obstacle potentiel à certaines nominations et de déterminer les risques de conflit d’intérêts.
En accord avec son rôle habituel, la HATVP continuera son travail régulier, facilité par la sélection de Michel Barnier où beaucoup de candidats ministres ont déjà soumis leurs déclarations financières selon les exigences législatives. Ces déclarations peuvent inclure des comptes immobiliers, bancaires et financiers, ainsi que des intérêts professionnels. Une particularité de cette année pourrait être l’inclusion de Didier Migaud, le président actuel de la HATVP, sur la liste des ministres potentiels, nécessitant ainsi un examen de sa situation par l’autorité qu’il préside.
L’échange d’informations en cours ou à venir, y compris avec les services fiscaux, devrait se poursuivre durant le week-end et jusqu’à la dernière minute avant l’annonce officielle à l’Élysée, prévue « avant dimanche [22 septembre] », selon le gouvernement. Un résumé des résultats de cette première analyse sera présenté à l’Élysée et au gouvernement pour permettre d’ajuster les décisions politiques, y compris la suppression potentielle ou modification du rôle d’un ministre prévu. En effet, en cas de problèmes détectés ou anticipés, la Haute Autorité a le devoir d’en informer le président de la République. Cependant, ce processus de vérification n’est pas parfait.
Cependant, une fois que les membres du gouvernement sont nommés et installés officiellement, et que leurs déclarations de patrimoine et d’intérêts ont été reçues par la HATVP – généralement deux mois après leur nomination – c’est alors que le véritable contrôle approfondi de l’autorité administrative peut débuter, toujours en coordination avec l’administration fiscale.
Il a été prouvé par le passé que les contrôles de la HATVP, qui ne possède pas un réel pouvoir d’investigation et doit se baser uniquement sur des informations révélées, ne sont pas toujours efficaces. L’autorité administrative a réussi ces dernières années à imposer aux ministres de nombreux décrets pour éviter que leurs intérêts personnels n’affectent leurs décisions officielles, et a décelé d’importants manquements lors de ses contrôles approfondis, aboutissant à des poursuites judiciaires. Comme par exemple, le cas de l’ancienne ministre déléguée aux collectivités territoriales, Caroline Cayeux, dont le patrimoine immobilier a été jugé sous-évalué, ce qui l’a contrainte à démissionner en 2022. Cependant, certaines affaires ont échappé à son contrôle, faute de données publiques accessibles. Ce fut le cas de l’ancien haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, pour qui Le Parisien a révélé en 2019, seulement trois mois après son entrée au gouvernement, qu’il avait omis de déclarer certains revenus. Sans oublier le conflit d’intérêts en 2022 attribué à Agnès Pannier-Runacher par le site Disclose en raison des liens de sa famille avec la société pétrolière Perenco, contraignant ainsi l’ancienne première ministre, Elisabeth Borne, à l’obliger à se récuser sur le sujet.
La HATVP a fait des progrès significatifs dans son travail comparé à une période antérieure. Auparavant, les vérifications étaient sporadiques et non officielles, mais les lois sur la transparence de la vie publique de 2013 ont changé cela, permettant aux contrôles d’être supervisés par une entité indépendante du gouvernement et faisant de l’intégrité une valeur reconnue.
Cette année, comme elle l’avait déjà fait pour le gouvernement Attal, la Haute Autorité envisage d’encourager les membres du gouvernement à prévenir les conflits d’intérêts une fois qu’ils sont en poste. Ils sont incités à soumettre leur déclaration d’intérêts dans les huit jours suivant leur nomination, dans le but d’améliorer l’efficacité de l’autorité et d’accélérer ses contrôles.
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