Ignorant de la réalité, la rose du Petit Prince, avec ses « quatre épines minuscules pour se défendre contre le monde », a propagé un malentendu. En effet, aucun rosier ne possède véritablement d’épines. Bien que la plante ait des points tranchants, ils sont en réalité des aiguillons, comme le rappelle une étude publiée le 1er août dans la revue Science. C’est également le cas pour les aubépines, le houx, les ronces, les acacias, les chardons, etc. Par contre, certaines autres plantes affichent de véritables épines, comme les cactus, les bougainvillées, les ajoncs, les citronniers, les palmiers, et même certains framboisiers, fraisiers, pommiers et poiriers sauvages.
La distinction, bien qu’elle ne soit pas immédiatement évidente, pourrait tout de même susciter l’intérêt. Pour les distinguer, on peut utiliser une méthode simple – faites attention à vos mains cependant. « Si vous pouvez retirer une de ces pointes aiguisées sans endommager les fibres de la plante, c’est un aiguillon ; sinon, c’est une épine », déclare Mohammed Bendahmane, directeur de recherche à l’Inrae à l’ENS de Lyon et co-auteur de l’étude.
Quant aux botanistes, ils identifient ces piquants en fonction de leur origine tissulaire. L’aiguillon naît d’une strate de cellules située juste sous l’épiderme de la plante, tandis que l’épine provient d’un organe végétal vascularisé – une tige, une feuille, une racine, etc. – qui s’est transformé. L’épine est intrinsèquement liée à la plante, et ne peut donc pas être retirée sans causer de dommages.
Des épines aux aiguillons, leur rôle principal est de servir de défense contre les herbivores pour les végétaux qu’ils protègent. Ils offrent également un système d’ancrage pour les plantes grimpantes et servent à absorber l’eau condensée de l’atmosphère, un aspect essentiel pour leur survie dans les climats arides.
Une étude récente, publiée dans la revue Science, fait la lumière sur l’évolution des aiguillons à travers le temps. Dirigée par Zachary Lippman du Cold Spring Harbor Laboratory dans l’Etat de New York, l’étude a cherché à identifier les gènes responsables de la formation des aiguillons en analysant l’ADN des plantes du genre Solanum, qui inclut les aubergines, les tomates et les pommes de terre, entre autres.
La recherche a permis de découvrir un nouveau gène, appelé prickleless ou PL (sans aiguillon), qui fait partie d’une famille de gènes, les gènes LOG, connus pour leur rôle dans la dernière étape de la production d’une hormone végétale appelée cytokinine. On a constaté que la mutation de ce gène a entraîné la perte d’aiguillons chez au moins seize espèces d’aubergines ou de plantes sauvages apparentées à travers l’évolution. Il est intéressant de noter que ces pertes se sont produites de manière indépendante à plusieurs reprises, et ne proviennent pas d’un ancêtre commun.
Elizabeth Kellogg, de l’université Harvard, a ajouté dans Science que cette perte d’aiguillons est, dans certains cas, le résultat d’une sélection naturelle, alors que dans d’autres cas, l’homme est intervenu en sélectionnant des variétés sans aiguillon, ce qui a conduit à la création de certaines espèces domestiques, comme l’aubergine brinjal.
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