Selon Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité de l’Europe doit servir de base pour les actions de l’Union pour les cinq années à venir. Le rapport est remarquable pour son diagnostic précis d’une « lente agonie » de notre continent, comme l’a décrit son auteur. Draghi, un Européen dévoué, critique sans ambages la bureaucratie de la Commission et des États, et leur mauvaise gestion des finances publiques. Il plaide également en faveur de diverses réformes. Il démontre que l’éclatement de l’Europe en 27 nations qui conservent précieusement leurs prérogatives dans presque tous les domaines constitue un sérieux obstacle à la compétitivité et nous rend insignifiants sur le plan mondial. La seule manière d’accroître le pouvoir d’achat de manière durable et de maintenir notre souveraineté est d’innover et d’améliorer notre compétitivité. Cependant, nous avons pris du retard par rapport aux États-Unis, qui dominent dans ce domaine, et bientôt nous serons dépassés par la Chine.
De nombreux analystes semblent seulement noter la somme colossale nécessaire aux investissements pour redresser nos économies dans les 400 pages du rapport, selon bon nombre de commentaires. Le volet financier ambitieux du rapport est acclamé par les possibles bénéficiaires industriels et les opposants à l’« austérité » – peut-on parler d’austérité dans une France qui accuse un déficit de 6% et a cinquante ans de déficits sans interruption ? Par contre, les nations parcimonieuses de l’Europe du Nord y voient la possibilité d’une mauvaise utilisation des fonds publics et une autre subvention pour l’Europe du Sud après le plan de relance européen de 2020, qui a surtout profité à l’Italie, l’Espagne, et un peu à la France.
Deux scénarios potentiellement préjudiciables pourraient alors surgir. Le premier, on pourrait oublier sciemment le but du projet, l’objectif de cette dépense, et se concentrer sur la répartition des fonds. Ce qui ne générerait pas de croissance, et la dette publique ne ferait qu’augmenter. Le second, le rapport Draghi serait abandonné et oublié, comme tant d’autres avant lui. Pour donner au vrai plan Draghi une chance de succès, une autre approche est nécessaire.
Un projet commun de renouveau.
Il est nécessaire d’établir une entente préalable sur un projet, plutôt que de se focaliser sur le niveau de dépenses initiales, afin d’éviter de transformer le plan en un simple débat politique. Par exemple, il serait approprié de déterminer si les parties européennes accepteraient la création d’institutions pour stimuler des innovations de rupture dont l’Europe a fortement besoin. Il est important de souligner que sur les vingt plus grandes entreprises tech mondiales et start-ups, aucune n’est européenne. En conséquence, nous laissons les secteurs les plus profitables de la chaîne de valeur à des entités étrangères. A ce jour, les institutions européennes ne sont clairement pas adaptées pour contrer le lent déclin technologique que nous subissons, comme indiqué dans le rapport sur l’innovation en Europe (“EU Innovation Policy. How to Escape the Middle Technology Trap”, TSE-Bocconi-CES Ifo Munich) et le rapport Draghi. Le reste de cet article est réservé aux abonnés.
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