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Beyrouth 1975 : Nuit Libanaise

Livre. Dans les librairies, on observe une émergence d’oeuvres consacrées à l’assaut du 7 octobre 2023 en Israël et à la guerre de Gaza, dont l’anniversaire approche. Parmi ces ouvrages, le livre du journaliste franco-libanais Marwan Chahine, appelé Beyrouth, 13 avril 1975. Autopsie d’une étincelle (Belfond, 560 pages, 22 euros), pourrait susciter la curiosité. Pourquoi revisiter la naissance d’une guerre ancienne qui a coloré en rouge le pays du Cèdre entre 1975 et 1990, alors qu’un autre territoire côtier, situé à quelques centaines de kilomètres au sud, est actuellement submergé par les bombardements ?

En comparaison avec les quarante mille morts dans la bande de sable palestinienne, la démarche de cet ancien correspondant de Libération au Caire – reconstituer l’attaque du 13 avril 1975 sur un bus de combattants palestiniens par des miliciens chrétiens libanais, qui marque le début de la guerre civile libanaise – pourrait semble être mal placée. Mais c’est exactement l’inverse : son livre est un récit nomade incroyablement captivant. En fusionnant l’histoire générale et l’histoire spécifique, à la croisée de l’enquête, de l’essai et de l’autobiographie, il dit beaucoup, non seulement sur le Liban, mais aussi sur le Moyen-Orient, une région enivrée de violences, souvent captive de ses mythes et de ses martyrs.

Dans le cas de l’incident de l’autobus percé de balles, baptisé «Bosta », symbole de la guerre civile et même exposé publiquement en 2011, chaque groupe affirme une version de l’histoire, gravée dans la pierre. Les Palestiniens soutiennent que c’était un piège, accusant les Kataëb (Phalanges), le principal groupe maronite de ce temps, d’avoir déclenché volontairement le conflit. Les chrétiens, cependant, déclarent que c’était un acte de représailles spontanées, faisant valoir qu’avant l’arrivée de l’autobus au quartier Aïn El-Remmaneh, dans le sud de Beyrouth, leur leader, Pierre Gemayel, avait évité de justesse des tirs de fedayins.

Il n’existe pas une unique « version de la mémoire » de la guerre au Liban, mais plutôt une « guerre de mémoires », comme l’indique clairement Marwan Chahine. Astucieusement et passionnément, cet auteur s’est plongé dans les médias de l’époque, déterré les rapports de police et a suivi les traces des témoins et des acteurs du drame encore en vie, plus de quarante ans après les faits. Cet auteur a livré une épopée captivante à travers les banlieues chrétiennes pauvres et les camps de réfugiés palestiniens de Beyrouth, lieux de recrutement dans les années 1970 et 1980, d’handymen connus sous le nom d’Abadaye, la classe ouvrière de la guerre civile.

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