Un nouveau succès au box-office chinois cet été n’était ni une romance, ni un film d’action, mais une production qui vise à refléter au plus près la réalité quotidienne des 84 millions de travailleurs chinois dans l’économie numérique, soit plus de 11% de la main-d’œuvre du pays.
« La vie à contre-courant » (ou « Upstream » pour le titre international), dirigé par Xu Zheng, qui joue aussi le personnage principal, dépeint à travers une comédie les réalités et défis de l’économie actuelle en Chine. Le titre suggère la conduite audacieuse des livreurs qui bravent les codes de la route pour livrer à temps les commandes dictées par les algorithmes des applications. Il fait également référence à la dégradation sociale vécue par bon nombre de ces travailleurs vêtus de jaune (s’ils travaillent pour Meituan, l’équivalent chinois de Deliveroo) ou de bleu (s’ils travaillent pour Alibaba, le géant de l’e-commerce), qui sont les nouveaux prolétaires de l’économie numérique.
Livrant les repas, les courses, les vêtements neufs achetés en ligne ou envoyés au pressing, on les voit traverser les villes, leurs scooters électriques chargés de sacs. Fréquemment, ils courent dans les entrées des bâtiments, dans un effort constant pour maintenir le rythme et éviter les sanctions, triant rapidement des tas de colis dans les arrières des immeubles.
« Nous sommes tous les soldats de la livraison ».
Sur l’écran, nous faisons la connaissance de Gao Zhilei, un technocrate d’une quarantaine d’années, travaillant dans un bureau à Shanghai, fort de son arrogance. Il montre sa colère envers un livreur qui lui livre son café commandé en ligne avec quelques minutes de retard, en jetant le café à la poubelle tout en lui criant dessus. Cependant, Gao est finalement licencié et les problèmes financiers commencent à s’accumuler. Les économies familiales disparaissent dans un schéma frauduleux de Ponzi, laissant les petits investisseurs démunis. Les factures médicales pour son père malade s’accumulent, sa femme lui reproche d’avoir mis en péril l’avenir de leur famille et de leur enfant en ne lui disant pas qu’il a tout perdu.
C’est donc Gao qui se retrouve contraint de revêtir la veste et le casque jaune, découvrant un monde sans pitié. Un collègue lui explique. « Nous sommes tous des soldats de la livraison ». Il découvre les étagères à l’extérieur des restaurants où il doit rapidement trouver les repas à livrer, celles aux pieds des buildings pour déposer les déjeuners en un temps record, les adresses introuvables, les risques d’accidents, l’épuisement.
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