Lundi 16 septembre, la firme américaine Meta a annoncé qu’elle bannirait l’accès aux médias d’État russes, comme Russia Today (RT) et Sputnik, de ses plateformes (Facebook, Instagram, WhatsApp et Threads). Cette interdiction vise à prévenir toute « activité ingérence étrangère ». Cette mesure survient deux semaines après que le ministère américain de la Justice ait reproché à RT, le 4 septembre, de mettre en place des manœuvres de désinformation visant les élections présidentielles américaines.
Ces actions, bien que fructueuses, n’empêcheront pas la « guérilla informationnelle » qui est effectuée par ces médias, selon Maxime Audinet, titulaire d’un doctorat en études slaves de l’université Paris-Nanterre et chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (Irsem). Audinet, expert des stratégies d’influence contemporaine de la Russie, est l’auteur de « Un média d’influence d’Etat. Enquête sur la chaîne russe RT » (INA, 2021).
Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, a déclaré le vendredi 13 septembre que RT constitue une « branche » du service de renseignement russe à l’échelle mondiale. Cela correspond-il à votre compréhension de la situation ?
RT et Sputnik, tous deux financés par l’État russe, sont devenus des acteurs significatifs dans la politique étrangère de la Russie, recevant environ 450 millions d’euros de budget annuel. Ces médias d’État, créés respectivement en 2005 et 2008, ont parfois travaillé en coopération avec les services de renseignement russes. Initialement très centrée sur la Russie, leur ligne éditoriale est devenue plus belliqueuse et critique envers l’Occident après la guerre russo-géorgienne et l’invasion de l’Ukraine. Depuis lors, leur rôle de propagande s’est intensifié, reprenant sans équivoque les messages et narratives officiels. Ces médias, qui fonctionnent dans un environnement autoritaire, ont pour objectif d’exercer une influence étatique. C’est dans ce contexte que Meta a décidé, trois jours après les déclarations de M. Blinken, de bannir les contenus de RT, de Sputnik et des autres médias d’État russes de ses plateformes. Les implications de cette décision restent à voir.
Ceci indique d’abord que les établissements américains sont devenus bien plus réactifs et prêts à repousser ces genres de perturbations qu’au cours des élections de 2016. C’est aussi une preuve que Meta est actuellement sérieux dans la gestion de ses contenus, après avoir longtemps hésité. Cette décision pourrait avoir des effets significatifs sur la portée de RT et de Sputnik, qui dépendaient de ces plateformes pour diffuser leur contenu à l’étranger. L’effet sera notable en Afrique sub-saharienne, en Amérique latine et en Inde, où Facebook est très populaire, et qui sont des régions ciblées par ces médias. Cependant, cela ne signifie pas forcément leur fin numérique : ces acteurs se sont adaptés aux restrictions mises en œuvre depuis 2022, à la suite de l’invasion de l’Ukraine. Depuis lors, les sanctions réciproques entre l’Occident et la Russie ont abouti à une sorte de fragmentation numérique, une séparation de l’espace numérique russe et occidental.
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