Les rues du centre de Souweïda sont encombrées de stands vendant du carburant de contrebande. Les bidons jaunes contiennent du carburant syrien, tandis que les bleus contiennent du carburant libanais. Cet étalage de vente illégale est devenu une caractéristique notable de cette ville druze dans le sud de la Syrie, tout comme les manifestations hebdomadaires contre le gouvernement central. Tous deux témoignent de la crise économique et de l’isolement de cette zone frontalière avec la Jordanie, qui est maintenant devenue une plaque tournante pour toutes sortes de trafics illégaux, dominée par des gangs criminels.
Un citoyen résume la situation: « Les choses sont déjà difficiles en Syrie, mais ici, à distance de tout, c’est encore pire ». Souweïda se situe plus de cent kilomètres au sud de Damas, entourée par des collines de roches volcaniques noires et des vignobles produisant un arak consommé partout dans la capitale. Walid (un pseudonyme) est druze et, à 33 ans, depuis deux ans, il est impliqué dans la vente d’essence de contrebande.
Comme beaucoup de jeunes diplômés, il n’a pas pu trouver d’emploi dans son domaine de compétence après avoir terminé ses études en électricité et servi six ans dans l’armée pour reconquérir les territoires perdus au profit de l’opposition syrienne. Après 13 années de guerre civile (commencée en 2011), et malgré un boycott et des sanctions imposés par les grandes puissances, la crise économique continue de s’aggraver en Syrie. La province de Souweïda, où vivent 770 000 personnes, n’a pas été épargnée par le chômage qui touche 75% des jeunes.
Le commerce de carburant est un remède facile pour Walid. Il se procure auprès des particuliers les quotas de carburant subventionné qu’ils obtiennent de l’État, au prix de 23 000 livres syriennes (1,6 euros) le litre, et les revend à 25 000 livres syriennes le litre à ceux qui trouvent insuffisants les 50 litres alloués chaque mois. Walid génère ainsi un bénéfice mensuel d’environ 1 à 1,5 million de livres syriennes lui permettant de couvrir son loyer, ses factures, sa nourriture et ses cigarettes. « Je n’économise pas d’argent. Tout est devenu très cher ces quatre dernières années », déclare Walid.
Conflits et vindicte
Cette entreprise est pourtant risquée. Elle est contrôlée par les mafias qui ont éclos dans la ville, laquelle est en proie à l’anarchie, au crime organisé et à la violence. « Il n’y a plus de véritables forces de sécurité à Souweïda. Chacun prend la loi en main. Tout le monde est armé. Quand un différend surgit, il ne faut pas longtemps pour que les armes à feu entrent en jeu. Nous craignons constamment d’être touchés par une balle perdue. C’est une fraction de la population qui génère toute cette criminalité, pendant que les autres vivent dans la crainte et aspirent au retour de l’ordre », déplore un citoyen.
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