L’originalité et la diversité de la mode londonienne a toujours été en lien avec plusieurs sous-cultures diverses, comme les mods, les punks, les hippies et les gothiques, mariant souvent l’habillement à la musique. La semaine de la mode londonienne, célébrée du 12 au 17 septembre et marquant ses 40 ans, a continué à honorer cet héritage. Les créateurs ont revisité divers uniformes de personnages typiques, depuis le rockeur jusqu’à la ballerine en tutu, pour créer les collections du printemps-été 2025.
Lors du défilé de JW Anderson, un morceau de techno remixé par DJ Grimes a donné le coup d’envoi. Il a présenté des fêtardes audacieusement vêtues, montrant leurs bras et leurs longues jambes nues, si pressées de montrer leurs talents de danse que les fermetures éclair de leurs bottines plates étaient encore ouvertes. « En créant ces tenues, j’ai pensé à ma sœur et à ses amies qui peuvent être très girly parfois, des filles soigneusement habillées, mais indépendantes et sans compromissions », a déclaré Jonathan Anderson. Pour habiller ces oiseaux de nuit, Anderson a décidé de se limiter à quatre matériaux non mélangés: le cuir d’agneau, le satin de soie, le cachemire et les paillettes.
« Ce choix m’a permis d’explorer leurs différentes utilisations », explique-t-il. Ainsi, le cuir des sacs à main a été transformé en robes tutus rigides ou en cols de vestes. Les paillettes ont été utilisées dans des robes roses Malabar ou pour imiter des boutons. De la soie, sont nées des robes trapèzes et des dentelles qui les bordent, tandis que le cachemire a été tissé, tricoté, déchiqueté ou effiloché en pulls sans manches. Les tenues étaient certes dénudées, mais sophistiquées.
Aaron Esh, fondateur de sa propre marque il y a deux ans, propose des créations qui reflètent la silhouette rock’n’roll typique des adolescents britanniques. Des vestes de motard, des pantalons slim en cuir et des bottes effilées s’accompagnent de robes en soie aux tombés fluides. Le tout est soutenu par le musicien Bobby Gillespie, dont l’épouse, la styliste Katy England, ancienne collaboratrice d’Alexander McQueen, aide ce designer dans la trentaine.
Dans le cadre majestueux de l’Old Bailey, la cour d’assises locale, Simone Rocha réinterprète élégamment l’uniforme des danseurs. « Pour eux, leur costume est comme un masque protecteur. J’ai voulu découvrir ce qui se cache en dessous », explique l’Irlandaise au romantisme sombre. Au-delà des robes ornées de grands nœuds, des costumes élégants incrustés de perles, des tutus et des ballerines, cela donne lieu à des jeux de transparence avec des justaucorps et des shorts à froufrous visibles sous les manteaux en organza ou les gilets ouverts. Des œillets en rose pâle apparaissent partout, brodés, en fausses fleurs glissées dans le décolleté, en pétales collés autour des yeux. C’est un hommage à Nelken, une œuvre phare de la chorégraphe Pina Bausch (1982), dont l’immense terrain d’œillets a inspiré Simone Rocha.
Etudiants bruyants ».
Nensi Dojaka, la créatrice Albanaise, revient sur la piste après quelques saisons d’interruption, avec la même ambition : fusionner l’underwear et le prêt-à-porter. Des brassières et des bodys graphique, caractérisés par des bretelles qui dessinent le corps ou des effets d’optiques, des pantalons évasés, et des robes en matérieux maille qui laissent entrevoir la peau constituent son langage esthétique. Celui-ci s’est enrichi grâce à une collaboration avec Calvin Klein, la grande marque de sous-vêtements, célèbre pour ses publicités provocantes.
Créée en 1926, Kent & Curwen est reconnue en Grande-Bretagne pour avoir habillé les universités d’Oxford et de Cambridge avec leurs uniformes. Pour le lancement de la ligne pour femmes, le directeur artistique irlandais, Daniel Kearns, a choisi la Royal Academy of Arts pour son défilé. L’internat d’excellence est représenté avec des tailleurs shorts, des jupes plissées, des cravates à rayures et des porte-livres. Cependant, certains détails indiquent que ces étudiants sont également à l’affût des tendances, comme les chaussures babies, des lunettes de soleil sophistiquées, des chemises ornées d’imprimés graffiti, et des polos de rugby portés asymétriquement.
Burberry est la principale marque de référence à Londres pour convertir les classiques britanniques en articles haut de gamme. Daniel Lee, le directeur artistique, nous fait savoir qu’ils ont souhaité réinterpréter le trench, le manteau imperméable et la veste de chasse dans un style plus estival et allégé cette saison. On peut voir des innovations tels que des trenchs en gabardine réinventés en robes dos-nu, des chemises à rayures et à col noué, des blousons de motard raccourcis à la manière des boléros, et des capes techniques surmontées d’une fausse fourrure. La collection dégage une odeur de vintage, avec une ambiance champêtre faite de motifs marguerites et de touches de couleur mandarine : les capes et parkas sont délavées, le tartan d’un survêtement zippé semble usé et une veste en coton sans ourlet est brodée d’un blason tiré des archives.
Dans sa quatrième collection, Daniel Lee est audacieux avec des verts et des lilas, en référence à la scène du défilé confiée à Gary Hume, figure de proue des Young British Artists dans les années 1990. Il a demandé à l’artiste de recréer l’installation appelée ‘Bays’ dans le hall brutaliste du National Theatre : de grandes bâches vertes découpées en rectangles imparfaits. « Finalement, Daniel et moi faisons la même chose : nous prenons un matériau plat et essayons de lui donner un sens, une forme, du relief », explique Gary Hume.
Daniel Lee souligne les liens existants entre le bâche et la gabardine alors que Burberry fait face aux défis financiers et à l’arrivée d’un nouveau PDG, Joshua Schulman, convoqué pour aider à redresser la situation. Malgré la bonne exécution de cette collection, elle semble manquer de véritable éclat. Sera-ce suffisant pour inverser la tendance ? Selon Gary Hume, ce qu’il a appris sur Burberry, une entreprise fondée en 1856, c’est que cette marque reconnue et établie a gagné en notoriété en produisant des articles utiles et protecteurs. Aujourd’hui, son défi réside non seulement dans la création d’articles utiles, mais également d’articles désirables. Une analyse difficile à contester.
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