Dans une enclave isolée de la ferme, une bâche et quelques planches de bois attirent instantanément le regard. Dans cet abri improvisé rapidement, Tracie Œuvrard a caché le cadavre mutilé de Vénus en attendant la disponibilité de l’équarrisseur. Le loup n’a laissé aucune chance à sa jeune vache. « Je ne croyais pas que cela pourrait nous arriver », murmure la fermière de 22 ans, encore bouleversée par l’attaque qui a eu lieu le 8 septembre dans sa ferme située à Premiers-Sapins (Doubs).
Travaillant avec son père dans la production de lait de comté, Tracie prend soin d’une centaine de vaches, de veaux et de génisses. « Les gens ne comprennent pas à quel point nous aimons nos animaux », dit-elle. « Nous les avons vu naître, grandir, nous veillons sur eux tous les jours… J’espère que Vénus n’a pas trop souffert », dit-elle émue, avant de montrer sur son téléphone les photos de la scène. « Dérober une épaule de cette façon… on peut seulement imaginer la puissance de l’attaque », commente-t-elle. « Le loup l’a aussi mordue au museau et au cou, et l’a éventrée. Il y avait des traces de sang partout. »
Chaque soir, Tracie se couche et se réveille le matin avec une question qui lui hante l’esprit : « Le loup va-t-il attaquer d’autres vaches ? » Sous la pression, même si l’hiver est encore loin, elle a ramené ses génisses à l’intérieur de leurs étables. « Ici, personne ne se sent en sécurité, certains éleveurs ont fait comme moi. » Cela va à l’encontre des normes de l’AOP comté qui préconise le pâturage extérieur.
La présence du loup est récente.
Le retour récent du loup dans le massif du Jura a bouleversé l’équilibre local et perturbé la production de comté, une industrie qui génère 70 000 tonnes de fromage annuellement. Le premier incident entre un loup et une vache montbéliarde a eu lieu en août 2022 et depuis lors, les attaques se sont multipliées. Près de 70 incidents ont été rapportés dans le Doubs, environ quinze d’entre eux survenus en 2024.
Philippe Monnet, le président de la chambre d’agriculture du Doubs, exprime sa surprise de voir le loup s’attaquer aux bovins, contrairement aux Alpes où les moutons sont généralement les cibles. Ce phénomène a causé un véritable traumatisme chez les agriculteurs affectés. Florent Dornier, le président de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles, indique que les agriculteurs se sentent impuissants face à cette situation, ce qui peut conduire certains d’entre eux à la limite du burn-out. Pour eux, perdre une vache est une chose, mais perdre le sommeil en est une autre.
La suite de cet article est disponible uniquement pour les abonnés.
Laisser un commentaire