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18 septembre 2024 17 h 50 min

Décès de Vera, épouse Kundera

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Vera Kundera, l’amour ardent et autrefois compagne de l’écrivain franco-tchèque Milan Kundera (1929-2023), est décédée le samedi 14 septembre au Touquet (Pas-de-Calais). Cette ville signifiait beaucoup pour Vera, la défunte et son époux possédaient un appartement là bas, situé à côté de la plage qui d’ailleurs figure dans le roman L’Identité (Gallimard, 1998) de Kundera. Elle avait pris congé loin de Paris pour se reposer un peu à l’hôtel dans cette ville. On l’a retrouvée sans vie dans sa chambre tôt le matin. Elle approchait les 89 ans.

Ceux qui la connaissaient diraient qu’elle est probablement morte la veille, le vendredi 13, étant donné qu’elle aimait les symboles et était quelque peu superstitieuse. Elle avait le don de repérer ces signes, toujours avec un sourire, et donnait des interprétations qui, bien qu’amusement sarcastique, étaient pleines d’esprit. Vera avait un accent charmant et un sens de l’humour unique. Elle partageait souvent l’histoire d’une fois lorsqu’elle a consulté un voyant avant de quitter sa Tchéquie natale qui lui a dit : «Petit scorpion, tu ne mourras pas en Bohême.» Ces temps-ci, elle soupirait, plus nostalgique que jamais de son pays d’origine : « J’ai l’impression qu’il avait raison. »

Vera était connue pour sa beauté brune, sa petite taille, et son élégance indéniable. Née à Prague le 24 octobre 1935, elle est croisée avec Milan Kundera en 1967, durant l’ébullition joyeuse du « Printemps de Prague ». Fine avec des cheveux courts, elle rappelait un peu Jean Seberg et elle était de six années la cadette de Milan qui avait déjà été marié brièvement. Son enfance n’a pas été très joyeuse. Son histoire se rappelle de sa mère qui a abandonné son père, elle et ses sœurs alors qu’elle était encore jeune, et à 12 ans, elle a dû voir une de ses sœurs, Eva, mourir d’une méningite.

L’injuste accusation portée contre son père a ébranlé les fondements de son existence. Elle se souvient qu’il était accusé de vouloir échapper aux griffes du régime communiste en Tchécoslovaquie en s’exilant en Australie. « Nous étions loin d’être riches à cette époque », se rappelle-t-elle dans son entretien pour la publication « Ecrire quelle drôle d’idée » (Gallimard, 2023). « On louait une partie de notre logement à une certaine française qui a faussement prétendu que mon père envisageait de quitter le pays clandestinement. Elle s’est tournée vers la police et ils ont mis mon père en détention. » Cet épisode douloureux l’a profondément marquée et elle n’a jamais cessé de parler de son père aimé, celui qui lui a appris à lire lorsqu’elle avait six ans et lui a révélé le monde de la poésie.

Fragilisée et livrée à elle-même, elle trouve refuge dans le travail. À 16 ans, sans aucun sou en poche, elle se déniche un boulot de serveuse dans une brasserie, à l’image du personnage de Tereza dans le livre L’Insoutenable légèreté de l’être (Gallimard, 1984). C’est dans la gare de Bruntal, en Moravie, qu’elle sert des bières : « C’est la poésie qui me maintenait en vie. » Elle mémorise des lignes interminables de vers pour garder sa santé mentale intacte, développe une passion pour Robert Desnos et Maxime Gorki, perfectionne son élocution et finit par triompher lors d’un concours local de poésie en 1958.

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