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18 septembre 2024 20 h 47 min

Burkina: junte cible opposants familles

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Dans une conversation téléphonique, une personne proche du Général Djibril Bassolé, ex-ministre des affaires étrangères du Burkina Faso, exprime son effroi face à l’enlèvement de deux enfants de Bassolé, ainsi que son assistant personnel. Cela s’est déroulé entre le mercredi 11 et le lundi 16 septembre à Ouagadougou.

La fille de Bassolé, Yasmine, a été prise par des inconnus lundi soir alors qu’elle quittait un hôpital de la ville. Elle y avait été admise pendant deux jours suite à un malaise provoqué par la perquisition brutale de sa maison, menée par des hommes se présentant comme des gendarmes. Le frère de Yasmine, Gani, avait été arrêté par des hommes appartenant à la junte du capitaine Ibrahim Traoré, qui a pris le pouvoir suite à un coup d’Etat en septembre 2022. Ils l’avaient obligé à les conduire jusqu’à sa maison pour effectuer une perquisition, sans se présenter et sans mandat légal.

Elle a expliqué, depuis son lit d’hôpital, qu’elle était paralysée de terreur, lorsqu’on l’a brutalement agressée et frappée à la tête à deux reprises. Elle a également mentionné la présence de gardes devant la porte de sa chambre. Elle a partagé sa peur concernant l’absence de son frère Aziz, qui avait été enlevé, sans aucune information sur son emplacement. Parallèlement, elle a évoqué l’enlèvement d’Omar Zalla, l’assistant de Djibril Bassolé, survenu dans des circonstances mystérieuses le 11 septembre.

Djibril Bassolé, général condamné en 2019 à une peine de prison de dix ans pour son rôle dans une tentative de coup d’État en 2015, avait été transféré en France en 2020 pour des raisons médicales. Aujourd’hui, la junte du capitaine Traoré l’accuse d’être l’un des principaux architectes des tentatives de déstabilisation à son encontre.

Vivant en exil en France, il a partagé, lors d’un entretien avec Radio France Internationale (RFI), les « moments tragiques » qu’il vit avec sa femme depuis l’enlèvement de leur fils Aziz et seulement quelques heures avant celui de leur fille Yasmine. « Mes enfants ne sont pas impliqués dans la politique. Si aujourd’hui ils sont chassés, c’est pour m’atteindre. C’est éprouvant de savoir que nos enfants sont menacés de mort simplement parce que j’ai voulu parler de la situation sécuritaire de mon pays. Nous condamnons ces pratiques avec une grande vigueur ».

A la fin du mois de juin, Djibril Bassolé avait évoqué lors d’une interview donnée à Financial Afrik les frictions et le mal-être au sein des armées, dont l’unité et le moral étaient sévèrement testé en raison de l’énormité des complications de la situation sécuritaire confuse. Le leadership du Capitaine Traoré avait encore une fois, été mis en doute. Le 12 juin, une roquette avait fait sauter aux alentours de la présidence, qui se trouve en plein coeur de Ouagadougou, à la suite d’une des attaques djihadistes les plus sanglantes de l’histoire de la nation, durant laquelle une centaine de militaires furent tués à Mansila (nord-est).
« Lorsque les soldats sont brutalement éliminés à cause du manque de mesures de précaution et cela dans une indiffférence totale, cela suscite inévitablement des frustrations » avait condamné le général, en critiquant « les stratégies catastrophiques obstinément employées par le régime ».
Depuis que Ibrahim Traoré a pris les rênes du pouvoir, dont le régime est gardé par des paramilitaires russes, les kidnappings, les détentions arbitraires et les recrutements forcés dans l’armée des voix divergentes sont devenus monnaie courante. Beaucoup d’opposants politiques, défenseurs des droits de l’homme et autres représentants de la société civile jugés rebelles ont quitté le pays ces derniers mois. Continuant encore plus loin dans sa dérive tyrannique, le régime commence maintenant à s’en prendre à leurs proches restés dans le pays.
« Les militaires ont peur »

Un défenseur des droits de l’homme du Burkina Faso, qui a cherché refuge dans un pays de l’Afrique de l’Ouest, proteste que leur pays est devenu plus oppressif que la Corée du Nord. Il partage le sentiment de peur que ses proches soient arrêtés et que tout sera fait pour les faire taire. Le fondateur de l’organisation « Servir et non se servir » (SENS) a également dénoncé ce changement. Il s’agit de l’avocat Guy Hervé Kam, figure emblématique de l’insurrection populaire de 2014, qui a été kidnappé en janvier et qui pourrit dans une prison de Ouagadougou depuis août, en raison d’accusations de tentative de déstabilisation de l’État. Yoporeka Somet, secrétaire national de SENS, se plaint qu’il n’ait plus eu aucun accès à son avocat depuis deux semaines.

Le 14 septembre, SENS a publié une déclaration signalant les enlèvements et/ou disparitions des militants Mohamed Sinon et Ada Diallo, épouse d’Ahmed Aziz Diallo, maire de Dori, au nord du pays. Ada a cependant été libérée mardi selon plusieurs sources. En avril, Ahmed Aziz Diallo, également vice-président du Parti pour la démocratie et le socialisme, avait appelé le gouvernement à libérer tous les citoyens kidnappés en mentionnant spécifiquement le nom de Guy Hervé Kam sur sa page Facebook.

Yoporeka Somet, un exilé d’un pays africain, crie contre « la dérive dangereuse du régime ». Il avertit que c’est une première dans l’histoire de leur pays de prendre pour cible les familles des activistes, reflétant une nervosité croissante des autorités. Suite au massacre de Barsalogho où près de 400 Burkinabé ont été tués par des djihadistes pendant qu’ils creusaient des tranchées pour la junte, la peur s’est emparée des militaires au pouvoir, conscients que leur chute pourrait être imminente.

La tension a encore grimpé au sein de l’armée tandis que sur internet, les partisans du capitaine Traoré ont intensifié leurs menaces, appelant à attaquer les familles de ceux qui critiquent le régime, sans peur de représailles, comme le souligne Somet. Sur Facebook, des pages prenant fait et cause pour la junte ont annoncé le début de purges visant leurs critiques.

Des allégations faites par ces sites indiquent que toutes les familles complices ont été identifiées et que le flux de ces personnes sera stoppé en fermant les frontières. Le 14 septembre, l’un des messages annonçait « Avec ce qui est en train de se passer, ils se tairont pour toujours ». Deux jours plus tard, un autre énonçait que les opérations sont toujours en cours. Le gouvernement du Burkina Faso, contacté pour commentaires, n’a pas répondu.