Catégories: Actualité
|
18 septembre 2024 11 h 47 min

À Esteville, le lourd legs de l’abbé Pierre

Partager

La tombe du prêtre et fondateur du mouvement Emmaüs, l’abbé Pierre, située à Esteville (Seine-Maritime), a été débarrassée de sa plaque suite à une série de révélations concernant ses agressions sexuelles le 17 juillet. Auparavant, l’abbé était un symbole de fierté pour ce petit village de 560 résidents, situé à 30 kilomètres de Rouen.

Cependant, aujourd’hui, le village ne sait comment gérer cet héritage embarrassant, qui consiste principalement d’un domaine que l’abbé a hérité de Pauline Sanlaville en 1964. Ici, l’abbé a passé plusieurs années avec la communauté établie dans le presbytère d’Emmaüs, dans un endroit aménagé et équipé pour accueillir les personnes nécessiteuses et les compagnons âgés.

Un panneau attaché à la mairie indique que la renommée d’Esteville dépasse les frontières françaises à grâce à l’abbé Pierre. Cependant, dans le sillage des révélations, le musée de 400 mètres carrés consacré au religieux, ainsi que sa chambre, son bureau et son atelier, ont été définitivement fermés, ont annoncé les responsables de la communauté.

Un homme anonyme, qui habite le village de l’abbé Pierre, admet qu’il était satisfait de vivre là parce que cela apportait de l’exaltation. Toutefois, il est déconcerté par les révélations récentes. Il s’inquiète que ces nouvelles agitations pourraient entraîner des retombées négatives sur le village. De plus, il est particulièrement préoccupé par le potentiel vandalisme sur la tombe de l’abbé, à côté de laquelle sa fille est enterrée.

Le maire Manuel Grente, élu en 2020, est conscient de ces risques et assure qu’il fait tout pour les prévenir. Il confirme avoir contacté la gendarmerie, qui a pris des mesures appropriées pour maintenir l’ordre. Cependant, ayant été impliqué dans l’agitation médiatique qui a suivi l’éclatement de cet incident, il reconnaît qu’il doit aussi modifier l’héritage commémoratif du village. En 2021, une grande fresque de l’abbé avait été peinte sur un bâtiment municipal par l’artiste Ernesto Novo. Grente pense qu’un nouveau projet est nécessaire, ce qui signifie que l’œuvre actuelle devra être remplacée.

En outre, le maire est convaincu qu’il est nécessaire de changer le nom de l’école.

Le nom de l’école villageoise est celui d’un religieux. En juillet, des représentants de l’association nationale Mouv’enfants ont sollicité pour un changement de nom. Dans tout le pays, plusieurs municipalités envisagent de renommer des rues (il y en a approximativement cent cinquante selon l’Agence France-Presse), des centres communautaires ou des parcs. « Il est inacceptable d’avoir une école nommée d’après une personne qui a eu des comportements inappropriés envers une fillette de neuf ans ou une adolescente de quatorze ans », explique le maire, « même si cette personne est l’abbé Pierre. Ce n’est tout simplement pas acceptable. » Le coût total pour faire disparaître tout trace serait autour de 10 000 euros (y compris une fresque), selon ses calculs. Cependant, la décision finale sera prise par le conseil municipal. L’élu, déterminé à changer le nom de l’école, sait qu’il devra persuader les résidents. En effet, certains sont encore indécis, tandis que beaucoup d’autres sont franchement réticents. « Ils n’ont tout simplement pas lu les rapports contenant les témoignages accablants des victimes », souligne Manuel Grente.
L’article n’est pas terminé, 34.41% du texte reste à lire pour les abonnés.