L’étude judiciaire sur l’implication étrangère dans le projet « Story Killers » est toujours en cours. Plusieurs entretiens sont programmés pour la fin septembre par les magistrats en charge du cas, qui a été lancé au début de 2023 suite aux révélations de Le Monde, Forbidden Stories et un groupement de médias internationaux sur les mécanismes de campagnes mondiales de dénigrement et d’influence.
Les chercheurs sont encore loin de démêler toutes les subtilités d’un dossier que des sources judiciaires décrivent comme « tentaculaire ». Bien que l’enquête ait mis en lumière des liens avec le Kazakhstan, le Soudan et le Cameroun, l’influence du Qatar est désormais le volet le plus important de cet immense dossier d’ingérence. D’après les informations de Le Monde, on soupçonne maintenant l’émirat d’avoir financé plusieurs campagnes contre des figures clés des régimes saoudien et émirati, adversaires du Qatar, en se servant du système judiciaire français.
L’enquête porte notamment sur une plainte pour « torture » déposée contre le général saoudien Ahmed Al-Assiri, en relation avec l’assassinat de l’ancien éditorialiste et dissident Jamal Khashoggi, ainsi que sur des plaintes contre le général émirati Ahmed Al-Raisi, autrefois envisagé pour la présidence d’Interpol, pour « torture » et « actes de barbarie » à l’encontre du poète émirati Ahmed Mansour.
Deux mécènes providentiels.
Les allégations ont été déposées à Paris de avril 2021 à janvier 2022 pour le Gulf Centre for Human Rights (GCHR). Ceci a été fait par l’avocat pénal français Me William Bourdon. « M. Bourdon a été rencontré en mars 2021 par nous et nous lui avons fourni des renseignements concernant notre collègue Ahmed Mansour, ainsi que des informations sur la torture et l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, » explique Khalid Ibrahim, Directeur Général du GCHR. « Il a consacré beaucoup d’efforts à ces deux affaires. Nous ne l’avons pas rémunéré : il travaillait gratuitement. »
Cependant, Me Bourdon, connu principalement pour son engagement dans des affaires de « biens mal acquis » et de défense des droits de l’homme, a été payé cette fois-ci par l’islamologue Nabil Ennasri et le lobbyiste Jean-Pierre Duthion, tous deux en examen pour « corruption » et « trafique d’influence » pour leur rôle présumé dans des opérations pro-Qatar. C’était évoqué par Le Parisien et Libération en octobre 2023 qu’une somme de 20 000 euros en liquide avait été reçue par Me Bourdon pour ces procédures. Il semble que Me Bourdon ait été payé pour le cas Mansour selon des documents consultés par Le Monde, dont une note rédigée par M. Ennasri en utilisant son téléphone portable, suggérant un paiement « total de 20 [000 euros] pour l’opération Mansour ». Le document retrouvé par les enquêteurs fait également référence à un paiement pour la plainte contre le général saoudien Al-Assiri : « Le 2 avril, 5 [000 euros] ont été versés comme acompte à Bourdon pour la plainte Al-Asiri. »
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