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17 septembre 2024 2 h 49 min

Nicole Claveloux : malaise adulte

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Quelle est la bonne terminologie pour cela ? Un interlude ? Trop bref. Une infini ? Excessivement long. Un passage souterrain ? Trop sombre. Disons plutôt une absence prolongée. Et même une « extrêmement » longue : environ quatre décennies, c’est le laps de temps pendant lequel Nicole Claveloux s’est éloignée de la bande dessinée, avant de faire son retour. Dernier point d’un processus de réapprentissage de son travail initié il y a quelques années, la sortie récente Ce soir, c’est cauchemar (Cornélius) est la célébration du retour surprenant d’une illustratrice de 84 ans longtemps négligée par le 9ème art.
Icone de la littérature pour enfants, l’invitée d’honneur du festival de bande dessinée parisien Formula Bula (du 20 au 22 septembre) dissipe en même temps un malentendu persistant selon lequel elle aurait été snobée par l’industrie, ou peut-être l’inverse. « Ni l’un ni l’autre », précise-t-elle cet après-midi de mi-août, dans sa résidence de Moëlan-sur-Mer (Finistère). Une pluie incessante tombe sur le pays bigouden, un feu pétille dans la cheminée. La vérité est en effet bien plus banale.

En 1987, le célèbre magazine de bande dessinée Métal hurlant a dû fermer ses portes après de longues années de faibles ventes. Dans cette publication emblématique, Nicole Claveloux et sa co-scénariste Edith Zha avaient publié deux œuvres remarquables d’imagination, contribuant à faire de la bande dessinée un art adulte : La Main verte (publiée par Les Humanoïdes associés en 1978) et Morte-saison (également publiée par Les Humanoïdes associés en 1979). La première histoire raconte les aventures oniriques d’une jeune rêveuse et d’un corbeau nostalgique, tandis que la seconde, de style surréaliste, raconte l’histoire de deux détectives privées (dont les auteures ont emprunté les traits) enquêtant sur la disparition d’un « homme triste ».

Plus tard, plusieurs autres courtes histoires ont été regroupées dans un recueil intitulé Le Petit Légume qui rêvait d’être une panthère et autres récits (Les Humanoïdes associés, 1980). Cependant, alors que la bande dessinée commençait à évoluer en une industrie de divertissement de masse, le téléphone a cessé de sonner pour Nicole Claveloux. Selon Jean-Louis Gauthey, son éditeur actuel et fondateur de Cornélius, beaucoup d’artistes qui avaient expérimenté des techniques graphiques et narratives innovantes ont été ignorés par une industrie de l’édition qui préférait alors se concentrer sur les séries historiques et d’aventures. Cela a affecté d’autres artistes comme Francis Masse, Gérald Poussin et Guy Peellaert (1934-2008), tout comme Nicole Claveloux. Son style était pourtant hypnotique.

Dans une confession récente, cette dernière a admis qu’elle a cessé de produire des bandes dessinées pour adultes majoritairement parce que Métal hurlant a fermé ses portes. Elle a également confessé sa réticence à chercher de nouvelles opportunités, préférant attendre d’être contactée. Cependant, elle comprend que si l’éditeur attend également d’être contacté, il ne se passe rien, aussi simple que ça. C’est à ce moment là qu’elle a commencé à créer des livres pour enfants. Principalement, elle a illustré des albums, mais a aussi créé quelques bandes dessinées pour les plus jeunes, jusqu’au milieu des années 1980. Son oeuvre comprend plus de cent quarante travaux, incluant ceux publiés lorsqu’elle s’est installée à Paris en 1966, après avoir quitté l’école des Beaux-Arts de Saint-Etienne où sa mère était professeure. Le reste de cette histoire est réservé aux abonnés.